À l’heure où Solidarnosc fête son 25e anniversaire, la BDIC retrace l’histoire de la Pologne de 1945 à nos jours à travers une sélection d’affiches.
PARIS - Évoquer soixante années d’histoire de la Pologne, des lendemains de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, à travers 160 affiches politiques ou culturelles, telle est l’ambition du Musée d’histoire contemporaine de Paris. L’exposition « Des slogans et des signes » est l’occasion de réunir les grands noms de cette « école polonaise de l’affiche » tels Jan Lenica, Roman Cieslewicz, Tadeusz Trepkowski ou Henryk Tomaszewski. Salués par la critique internationale dès les années 1950-1960, ces derniers ont inventé un langage singulier, dans une période pourtant dominée par la censure, et ont influencé des graphistes loin de leur Pologne natale. Le parcours de l’exposition est scindé en trois parties, suivant l’évolution artistique du médium : de l’après-guerre à 1955, du tournant de 1956 à la révolte ouvrière de 1976 suivie de la naissance d’une opposition, et enfin, de Solidarnosc (Solidarité) au retour à la démocratie.
Répondant aux commandes officielles, l’affiche est née avant tout à des fins de propagande. Cet art de la rue devait s’adresser de manière directe à l’ouvrier et au paysan, en appelant à la mobilisation générale pour reconstruire le pays, soutenir le Parti communiste ou se méfier de l’ennemi capitaliste. Des années 1950 à 1980, tout projet était obligatoirement soumis à l’Office central de contrôle de la presse, des publications et des spectacles. Par conséquent, « la réalité sociale, politique et économique de cette période, c’est le rejet du pouvoir par la majeure partie de la société et dans le même temps, une vigilance accrue du parti à l’égard des formes vivantes. Ce fut à l’origine d’une situation où l’affiche devint médium spécifique véhiculant un sens caché », précise dans le catalogue Maria Kurpik, directrice du Musée de l’affiche de Wilanów-Varsovie et commissaire de l’exposition. Bien souvent, l’affiche polonaise offre donc un double niveau de lecture, ainsi We Remember (1955) de Zbigniew Kaja. L’affiche condamne les crimes de guerre en usant de symboles pour le moins explicites : le costume rayé et le triangle rouge des prisonniers politiques polonais dans les camps de concentration, le poing fermé symbolisant la colère contre les persécutions nazies. Mais l’image évoque aussi l’atmosphère qui règne en Pologne à cette époque : les Polonais se sentent prisonniers dans le camp soviétique et expriment leur révolte en jouant sur le devoir de mémoire.
Pop art et crise
Surnommés les « affichistes de la contre-culture », un groupe né dans les années 1970 crie tout le désespoir du pays, en associant dans leurs images des éléments du pop art au thème de la crise socio-économique et politique qui règne alors. Ainsi de l’affiche Les Patients (1976) de Jan Sawka, figurant des anonymes agrippés à un improbable abribus rose vif, confinés dans un espace minuscule sans issue. Les années 1980, marquées par la naissance du mouvement Solidarnosc, sont celles de l’insoumission ; des publications clandestines se multiplient dans tout le pays. L’affiche est toujours utilisée à des fins politiques mais, cette fois, pour soutenir la lutte contre le pouvoir en place. En 1989, la rue affiche les slogans de Solidarnosc. « Pour que la Pologne soit la Pologne, il faut que 2 et 2 fassent toujours quatre », scande alors l’image d’Henryk Tomaszewski. Après les premières élections présidentielles, Lech Walesa prend la tête du pays en novembre 1990, puis la Pologne intègre l’OTAN en 1999 et l’Union européenne cinq ans plus tard. Après des années de propagande, redoublant d’ingéniosité pour faire passer des messages non officiels, l’affiche polonaise renoue aujourd’hui avec la publicité et les grandes manifestations artistiques, lesquels offrent de nouveaux champs d’exploitation à la jeune création.
Jusqu’au 4 décembre, Musée d’histoire contemporaine-BDIC, Hôtel national des Invalides, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris, tél. 01 44 42 38 39, tlj sauf lundi et dimanche matin, 10h-13h et 14h-17h30. Catalogue, 190 p., 35 euros, ISBN 2-7071-4680-3.
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Les murs ont la parole
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires : Maria Kurpik, directrice du Musée de l’affiche de Wilanów-Varsovie, et Jean-Claude Famulicki, conservateur du Musée d’art et d’histoire contemporaine-BDIC - Nombre d’affiches exposées : 160
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : Les murs ont la parole