Baden-Baden, 1863. Cinq terribles portraits de fous peints par Géricault sont découverts. L’on baptise chacun d’eux « monomane » afin de suggérer l’obsession qui semble encore aujourd’hui les hanter.
« Je commence une femme et ça devient un lion »
L’histoire veut que les Monomanes fussent exécutés au nombre de dix. Nous n’en connaissons que cinq, dispersés. Le musée des Beaux-Arts de Lyon donne l’occasion d’en admirer trois, réunis pour la première fois depuis quinze ans.
Exceptionnels témoignages de l’essor de la psychiatrie moderne, ces toiles (1819-1820) excèdent cette simple assignation. Monomanes de l’envie ou du jeu sont les suaires d’une époque qui marginalise les siens et dont le peintre exhibe la bouleversante intériorité.
Géricault s’y montre radicalement moderne : l’économie des couleurs, les sombres camaïeux où seul le blanc de l’œil vibre, la touche enlevée, voire violente, le rictus altérant l’expression dans une grimace pétrifiée, comme chez cette vieille femme pour qui filtre invariablement l’envie. Ou ce monomane du vol se dérobant irrémédiablement par sa pensée absorbée, sans doute celle du prochain méfait.
Sans trompettes et sans chevaux, loin des grandes batailles, Géricault en montre une autre, tout aussi romantique. Celle, silencieuse, de ces anonymes égarés et peuplés d’insondables et effroyables pensées, au regard animal puisqu’ils n’ont et ne sont plus que cela. Lions en cage dans une chienne de vie. Pleins d’inquiétante étrangeté. Familiers. Puisqu’ils pourraient être nous, eux que nous regardons et qui ne nous regardent pas. Ou plus.
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Les « monomanes » ou les prémices de la psychiatrie moderne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Les « monomanes » ou les prémices de la psychiatrie moderne