ISLE-SUR-LA-SORGUE
Artiste polymorphe et inclassable, Philippe Favier est un alchimiste en perpétuelle recherche dont l’imaginaire incommensurable s’incarne dans la quête de l’objet approprié sans aucun préjugé.
La plupart des œuvres présentées au Centre d’art Campredon sont en effet le résultat de nombreuses collectes ou rencontres fortuites au marché aux puces – L’Isle-sur-la-Sorgue oblige – et autres brocantes. Aucune technique ne lui est étrangère, aucun support n’est ordinaire. Il intervient sur des choses anciennes, parfois abîmées, sans jamais commettre de sacrilèges. Tel un orfèvre, il opère un travail minutieux sur des partitions du XVIIIe siècle retravaillées en enluminures, des gravures issues d’un livre recomposées en tableaux, des cartes scolaires de sciences naturelles réinventées, des pages de catalogues de meubles sur lesquelles il entremêle personnages étranges, caractères braille, squelettes, oiseaux, tampons, composant ainsi de singuliers cadavres exquis. Il se meut parfois en territoire « d’inquiétante étrangeté » cher aux surréalistes, sentiment vite désamorcé par un titre calembour. Le squelette, sujet récurrent de ses élucubrations, s’observe en miniature pressée, en personnage à la fois grotesque et gracile flottant dans une encre noire – cet amour du noir – ou en un spectre rouge aux gants blancs prêt à entamer un « moonwalk » macabre. Il décline des thématiques – sa nature obsessionnelle le fait travailler essentiellement par séries –, commet des détournements d’objets : une simple boîte de sardines devient un écrin précieux, un hublot de bateau, le plus raffiné des tableaux. De son laboratoire d’idées Philippe Favier crée un univers enchanté où l’œil et l’esprit se trouvent stimulés. Un parcours jubilatoire pour une œuvre des plus magiques et des plus originales.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°719 du 1 janvier 2019, avec le titre suivant : Les mondes magiques de Philippe Favier