Agnès Geoffray récupère des images plus qu’elle ne photographie. Celles qu’elle choisit avant de les manipuler sont porteuses bien souvent de violence ou d’une action, d’une posture, d’un geste dont on pressent la dimension dramatique, étrange, induite par un fait parfois antérieur à la prise de vue.
Par retouches infimes, elle rhabille une femme nue que des hommes hilares à la Libération exhibent dans la rue, répare une gueule cassée ou transforme en menace une éclaboussure dans l’eau d’une rivière. La transmutation du sens de l’image, son détournement provoquent le trouble, des réminiscences, une narration, et donnent aussi une poétique, une touche d’humour, d’horreur ou de suspens à un contenu qui n’en a pas. Les déplacements du regard, des usages, des époques sont constants chez Agnès Geoffray, que ce soit dans ses photographies, vidéos, diaporamas, textes, objets ou réalisations éphémères. Weawed Glass, composition de papier collée sur les vitrines du Frac Auvergne, créée pour la monographie que lui consacre son directeur, Jean-Charles Vergne, est ainsi une déclinaison de celles destinées à protéger les vitrines des commerces durant la Première Guerre mondiale qu’elle transforme en un délicat moucharabieh. Des guerres, des maux, des traumatismes qu’elles causent, du sang qu’elles font couler, des actes de protection, de barbarie comme de résistance qu’elles suscitent, il en est question dans nombre de pièces anciennes, méconnues ou conçues spécialement pour l’exposition. Mais pas que. L’allusif chez Agnès Geoffray se déploie sur différents registres que fait résonner l’exposition, la monographie de l’œuvre éditée par l’institution en donnant toute l’étendue.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Les métamorphoses d’Agnès Geoffray