PARIS
Ces commerçants atypiques et méconnus, à la fois négociants et capables d’élaborer des pièces d’art, font revivre le goût et l’industrie du luxe du XVIIIe au Musée Cognacq-Jay.
Paris. Le Musée Cognacq-Jay consacre sa nouvelle exposition aux marchands merciers parisiens au XVIIIe siècle. Sur le papier, il y avait sujet plus vendeur que ces « marchands de tout et faiseurs de rien », comme les décrit Diderot dans son Encyclopédie. Grâce au travail de recherche et à la mise en lumière de ce réseau de marchands à Cognac Jay, la formule lapidaire du philosophe semble à la fois injuste et réaliste pour qualifier cette puissante corporation parisienne. Rose-Marie Herda-Mousseaux, commissaire de l’exposition, s’est entourée d’un comité scientifique pour défricher les archives : inventaires après décès ou faillites, mémoires d’achats des maisons aristocratiques, publicités de gazettes et cartes de visite. À partir de ce corpus laborieux, la commissaire a façonné un parcours intime, qui plonge le visiteur dans une histoire du goût et du commerce français à la suite de ces marchands merciers, dont les biographies humanisent le récit de salle en salle.
Dans les petits espaces d’expositions du Musée Cognacq-Jay, le parcours se développe sur quatre salles traitées en boudoirs élégants. Le récit est simple, entre caractérisation du métier et illustration des pratiques de certains marchands. De 1137, date de la mention la plus ancienne de la corporation des merciers, à la dissolution des corporations durant la période révolutionnaire, le mercier est un acteur influent du commerce à Paris. Avec les drapiers, les épiciers, les pelletiers, les bonnetiers et les orfèvres, ils forment les « Six corps », aristocratie marchande de la capitale. Mais les merciers sont une corporation au périmètre complexe : à la fois négociants, experts, concepteurs, décorateurs et antiquaires. S’ils ne peuvent pas créer et fabriquer, ils peuvent assembler et « enjoliver » les ouvrages d’art, nettoyer et restaurer.
Un mercier fera ainsi venir de Saxe de précieuses fleurs en porcelaine de Meissen, qu’il fera monter sur des candélabres de bronze par un orfèvre, en lui ajoutant parfois un biscuit de Sèvres ou de Vincennes. S’il ne s’agit pas d’une commande, ce candélabre composite sera ensuite stocké dans une boutique en attendant d’être vendu à un riche client. Le fleurissement d’objets avec des fleurs en porcelaine traverse le XVIIIe siècle, témoin du goût français et des routes du commerce européen : la petite alcôve qui lui est consacrée mérite à elle seule la visite. Aux merciers Darnault, l’on doit ainsi la genèse d’une magnifique encoignure en ébène, laque du Japon, bronze doré et marbre blanc, [illustration ci-contre]en association avec l’ébéniste allemand Marin Carlin. Créé pour le compte d’une tante de Louis XVI, le meuble ornait le château de Bellevue.
D’autres pièces d’exceptions, vaisselles en porcelaine, candélabres, bonbonnières, bureaux et guéridons se succèdent dans les salles, toutes en relation avec les merciers à l’origine de leur assemblage ou de leur vente dans un mélange de sources scientifiques et de récits incarnés très réussi.
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Les marchands merciers au cœur du luxe à la française
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°510 du 2 novembre 2018, avec le titre suivant : Les marchands merciers au cœur du luxe à la française