Bien qu’il soit considéré comme l’événement d’art contemporain le plus important des États-Unis, le « Carnegie International » demeure peu connu en dehors du milieu des artistes et des habitants du lieu : Pittsburgh, cité industrielle de Pennsylvanie, est peu fréquentée par les touristes, même si Andy Warhol y était né. Réunissant trente-neuf créateurs, parmi lesquels Pierre Huyghe, Matthew Barney ou Chen Zhen, l’exposition a pris le parti de soigner particulièrement la mise en valeur des œuvres.
PITTSBURGH - Né il y a un siècle, en 1896, le “Carnegie International” a eu une histoire mouvementée, même s’il est resté très fidèle à l’esprit de son fondateur, Andrew Carnegie, qui souhaitait présenter les “maîtres anciens de demain” et acquérir des œuvres pour constituer une collection. Un rapide survol du catalogue des précédentes expositions révèle la présence de nombreux grands noms de l’art du XXe siècle, ce dont ne peuvent se targuer, par exemple, les Biennales du Whitney, dont les listes recèlent surtout des artistes oubliés. Commissaire de cette 53e édition et conservatrice du département d’Art contemporain du Carnegie Museum of Art, Madeleine Grynsztejn a établi de nombreuses correspondances avec Pittsburgh. Ainsi, en entrant dans le musée, le visiteur se trouve face à l’immense Automne d’Alex Katz, dont les feuilles jaunies répondent au métal rouillé des anciens hauts fourneaux de la ville. De même, une installation magique d’eau et de fumée d’Olafur Eliasson, au centre de la cour, en rappelle les cheminées des usines et les rivières.
L’exposition met en lumière l’importance que revêt l’installation des œuvres pour leur efficacité. Ici, l’accrochage, les espaces et la présentation sont exemplaires, en dépit d’une certaine pollution sonore due aux vidéos. Le volume de celle de Shirin Neshat, par exemple, est beaucoup trop fort et “gêne” les peintures de Luc Tuymans. L’espace en tissu créé par Ernesto Neto, où chacun peut pénétrer pied nu, est parfaitement intégré dans l’espace. Pour Delphine de Diana Thater, les fenêtres du café du musée sont teintées de rouge, jaune et bleu, baignant les visiteurs dans les couleurs de la projection vidéo, tandis que des images de dauphins en grand format sont projetées sur le mur du fond. L’accrochage a été finement étudié : une grande toile de Laura Owens est particulièrement valorisée grâce à une mise en perspective au bout d’un couloir desservant la collection permanente du musée.
Si cette édition du “Carnegie International” offre un convaincant exemple de l’art actuel, la ville elle-même est un monument à la mémoire des caprices de la mode. En effet, Pittsburgh possède “l’autre” Frick Collection, celle qu’a constituée Henry Clay Frick au gré des salons parisiens. Il s’intéressait alors aux œuvres pompier, avant de se tourner vers les maîtres anciens, un ensemble aujourd’hui présenté dans son ancienne demeure sur la 5e Avenue, à New York. Preuve que les certitudes contemporaines peuvent changer. Mais, le “Carnegie International” est bien trop raffiné pour s’y conformer totalement.
Jusqu’au 26 mars, Carnegie Museum of Art, 4400 Forbes Avenue, Pittsburgh, tél. 1 412 622 3131, tlj sauf lundi.
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Les maîtres de demain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°95 du 17 décembre 1999, avec le titre suivant : Les maîtres de demain