YVRE-L’ÉVÊQUE
Alors qu’on apprenait à l’automne dernier la mystérieuse disparition à Bruxelles de près de deux cents planches originales d’Edgar P.
Jacobs, l’abbaye royale de l’Épau a l’heureuse idée, après avoir montré François Schuiten et Benoît Peeters en 2016, puis Jacques Tardi en 2017, de consacrer, via« Les Mystères de l’Épau », une exposition rétrospective inédite de Blake et Mortimer, série majeure du neuvième art, depuis les albums signés par leur créateur (1904-1987) jusqu’aux reprises réalisées depuis 1996 par différentes équipes d’auteurs. Au sein de l’abbaye royale, dont l’architecture cistercienne ordonnancée sied parfaitement au classicisme non figé de cette série historique, les visiteurs déambulent dans sept petites salles au parfum so british– le décorum (vieux téléphones, table basse et fauteuils club) cite ouvertement Londres –, qui sont comme autant de cases à parcourir, pour retrouver, telles des madeleines proustiennes, l’ensemble des codes graphiques, le cadre rétro-futuriste ainsi que les thématiques récurrentes à l’œuvre dans les pièces rassemblées (planches originales, croquis, crayonnés, documents…), comme le conflit entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, l’espionnage, l’archéologie ou la science-fiction. Seul bémol, dommage qu’il n’y ait pas, à cette occasion, l’édition d’un catalogue permettant de se plonger plus profondément, et efficacement, dans l’univers très fouillé, exigeant du temps, de cette saga vieille école truffée de textes à rallonge – l’une des marques de fabrique de ce bon vieux Jacobs !
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Les madeleines de Jacobs