Sans doute la contribution la plus originale de l’Islam à l’histoire de l’art, la calligraphie offre un visage aride au public non initié. Le Louvre a donc judicieusement adopté une démarche pédagogique pour présenter une importante collection turque. Pour sa part, le Musée Jacquemart-André, présente un versant mieux connu du génie ottoman, la céramique, grâce au prêt d’une autre collection stambouliote.
PARIS - Avant de regagner les rives du Bosphore et de prendre place dans la villa Atli, bientôt transformée en musée, la collection de calligraphies ottomanes constituée depuis une vingtaine d’années par le magnat turc Sakip Sabanci fait étape au Louvre. Rare dans les musées français, et de ce fait peu connu, cet art est en outre difficile d’accès pour un public non initié. L’aspect pédagogique n’en prenait que plus d’importance, afin de dépasser le simple exercice d’admiration face à l’élégance, la souplesse ou la virtuosité des calligraphes ottomans.
Ainsi, le parcours éclaire d’abord les conditions techniques de production, en présentant les outils du calligraphe : calames de roseau, de bambou ou de bois, encriers, ciseaux, papiers teintés et polis. Une fois en possession de tout ce matériel, le calligraphe prenait place sur un sofa ou des coussins, le genou droit relevé ; la feuille de papier reposait sur ce genou, perpendiculairement au regard de l’artiste. Un sous-main flexible offrait une plus grande mobilité à sa main. L’habileté requise par la calligraphie ne s’acquérait pas en un jour, mais par un long travail d’apprentissage qui, après des exercices sur des lettres simples ou doubles, se compliquait progressivement jusqu’à l’étape essentielle, la copie d’après les maîtres (taklîd). “Le calligraphe observait soigneusement la composition et l’imprimait dans sa mémoire. Puis il la reproduisait sur papier avec une fidélité quasi photographique. L’imitation était si bien faite qu’il n’apparaissait pas de différence lorsque les deux textes étaient superposés”, note Ugur Derman, l’auteur du catalogue. Les maîtres qui servaient de modèles aux aspirants sont autant de jalons dans le parcours de l’exposition : Seyh Hamdullah, le père fondateur, Hâfiz Osman... Corans, albums (murakkaa), pages isolées (kit’a), panneaux (levha), portraits littéraires du Prophète (hilye), ou encore textes officiels avec le monogramme du sultan (tugra) en en-tête, la collection décline tous les domaines de la calligraphie, du XVe au début du XXe siècle, et le visiteur pourra s’essayer à identifier les différents types de graphies, à commencer par celle qui se prête sans doute le mieux à l’art, le sülüs, considéré comme “la mère de la calligraphie”.
Autre versant du génie ottoman, la céramique est trop souvent réduite aux créations d’Iznik qui, sous forme de pièces de service ou de carreaux de parement, enflamment toujours les collectionneurs. À côté de cette céramique de prestige, existaient d’autres productions à caractère plus populaire, ornées de personnages, de motifs animaliers ou floraux, provenant de centres comme Kütahya et Canakkale. Environ 200 pièces du XVIe au XIXe siècle, issues des collections du Musée Sadberk Hanim et de la fondation Kiraç, illustrent cette diversité au Musée Jacquemart-André.
- CALLIGRAPHIES OTTOMANES, COLLECTION DU MUSÉE SAKIP SABANCI, jusqu’au 29 mai, Musée du Louvre, 75001 Paris, tél. 01 40 20 51 51, tlj sauf mardi 9h-17h45.
Catalogue, RMN, 204 p., 110 ill., 150 F.
- SPLENDEURS DE LA CÉRAMIQUE OTTOMANE, jusqu’au 2 juillet, Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris, tél. 01 42 89 04 91, tlj 10h-18h.
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Les lignes de la main
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°103 du 14 avril 2000, avec le titre suivant : Les lignes de la main