Les lignes de front de Gilles Pourtier

Derrière la beauté plastique de l’image pointe l’opposition à l’ordre établi. Black Bloc, série de blocs de plâtre, résidus d’une sculpture, photographiés individuellement, n’y déroge pas, ni les photogrammes issus de morceaux d’une vitrine de banque saccagée à Marseille lors d’une manifestation des gilets jaunes. « Je suis habitée par une colère de classe depuis mon enfance », dit Gilles Pourtier. « Les réactions que suscite la colère sont le moteur et le motif de ma création. » On le perçoit au centre d’art où la photographie domine, l’accrochage produisant des jeux d’échos d’une grande justesse. Solidement charpenté, le récit critique de Gilles Pourtier sur notre époque montre sa capacité à se renouveler constamment dans ses formes. Des façades de maisons à colombages, photographiées par Bernd et Hilla Becher, sont nées ainsi des gravures d’où n’émergent que la structure en bois de chacune. De l’une à l’autre, un alphabet de formes abstraites de toute beauté se développe, symbole du savoir-faire des travailleurs immigrés employés dans les mines du sud-ouest de l’Allemagne, qui, à la fin du XIXe siècle et début du XXe, construisirent ces demeures. Déclinée en sculpture, la pièce devient une haute grille, métaphore des obstacles auxquels se confronte aujourd’hui l’immigration.