Certains pays, les précédentes éditions du festival de Chaumont l’ont démontré, offrent des écoles graphiques identifiables, mais qu’en est-il de la France ? Le nombre de graphistes sélectionnés pour le festival – près de quatre-vingts – démontre que
la réponse est loin d’être simple et univoque. Les univers, les styles, les signatures attestent d’une hétérogénéité difficile à classifier. Mais il est peut-être une caractéristique plus forte qui pourrait ménager un terrain d’entente entre toutes ces personnalités : la pratique débridée de la typographie.
La police en lutte contre la monotonie
Pourtant, pendant des années, la France n’était pas vraiment une référence, loin derrière les spécialistes anglo-saxons et suisses. Seuls quelques irréductibles, dont Pierre di Sciullo, s’intéressaient à la fonderie.
« Impressions françaises » révèle une nette inflexion et même un goût affirmé pour des typographies originales créées depuis les années 1990 par nos petits Français. Le duo superstar M/M Paris (à leur actif des pochettes de disque pour Madonna et Björk, une installation au Palais de Tokyo, etc.) s’est distingué par un art exceptionnel de la police, laissant vagabonder les lignes, jouant d’arabesques et de volutes ; des typographies-signatures repérables entre mille.
Depuis, les initiatives ont foisonné. Pour le théâtre de Nanterre, les Amandiers, les membres de Labomatic jouent avec une typo renouvelée pour chaque spectacle, au sein d’un système basique optant pour la force d’un aplat jaune vif. Une façon de contrecarrer toute monotonie avec originalité !
Lignes d’écriture pour exercice d’identité
Autre caractéristique commune entre ces jeunes studios, l’usage unique de ce travail sur les lettres. Il n’est pas destiné à être vendu, démultiplié, décliné en gras ou en italique, pour un usage quotidien. Lorsque Fanette Mellier crée la typographie « Singe » pour la revue de littérature La Main de singe, elle élabore des lettres spécifiques et totalement expérimentales.
Sur ce terrain, Vier5, en charge de l’identité visuelle du centre d’art de Brétigny-sur-Orge, excelle dans ce petit jeu d’identité, tout comme Gianni Oprandi. Certains affichent un style identifiable, tandis que d’autres s’offrent un nouveau visage pour chaque commanditaire. D’ailleurs, la commande que passe chaque année le festival à un graphiste pour son affiche a livré quelques beaux exemples de « chaumontaises », depuis les collages d’adhésifs colorés avec un côté résolument « fait maison » du duo Change is good en 2004, à la toute dernière, peinte par un monstre en chocolat sorti de l’esprit de Mathias Schweizer, une typographie chevelue mue en véritable exercice d’écriture.
Parmi les huit champs d’investigation de l’exposition, de l’édition à la communication, en passant par l’image animée, la typographie y fera assurément office de fil rouge.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les lettres de noblesse de la scène française conquises grâce à la typographie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°592 du 1 juin 2007, avec le titre suivant : Les lettres de noblesse de la scène française conquises grâce à la typographie