Certains artistes aiment jouer. Avec la réalité, avec les mots comme Duchamp, avec les systèmes, avec les références, en les détournant pour mieux les déjouer ou les faire douter. Bref, il existe bien des manières d’aborder la vaste question du ludique, que le jeu soit amusant ou non. Sujet ou objet, il a stimulé une vingtaine d’artistes, tant français que canadiens (en majorité francophones), dont les œuvres sont présentées presque toutes individuellement selon un parcours assez aléatoire malgré l’annonce de thématiques. Car les regroupements que Marie Fraser, la commissaire québécoise, a pensé entre les pièces dans son projet sont peu visibles dans cette exposition qui paraît, de fait, un peu décousue. Quant à ses choix, certains paraissent évidents, comme le totem d’écrans de télévision de Guillaume Paris, où cinq personnages de dessins animés chutent inlassablement, l’énorme Popeye de Gisele Amantea ou les répliques en bois de symboles bourgeois nord-américains du collectif GPL. Mais la plupart des œuvres sélectionnées dissolvent le propos général ou révèlent une superficialité flagrante des plus handicapantes pour la manifestation. On fait peu d’intéressantes découvertes parmi les pièces canadiennes, sans que le « triomphe » de la section française ne sorte pour autant de la modestie. Seul Malachi Farrell offre une vision critique du thème à travers une impressionnante armée d’obus articulés qui s’agitent sous les ordres d’un général-obus orange féroce dont le discours est emprunté au Full Metal Jacket de Kubrick. Entre chants révolutionnaires, déflagrations, fumigènes et vociférations, les six minutes et trente secondes que dure cette démonstration noire du jeu de la guerre et des stratégies glacent autant le sang qu’elles ravissent par leur prouesse et leur justesse. Surtout, What’s next ouvre sur un champ de possibles du ludique plus stimulant que les gentilles caresses proposées par Pamela Landry. Inégale, l’exposition « Le Ludique » génère avec certains choix judicieux et porteurs, comme la vidéo hypnotique et enchanteresse d’un flûtiste nu réalisée par Abdel Abdessemed ou la rotonde de bulles de Claire Savoie, une lecture didactique sans se laisser aller à la facilité du simple divertissement, d’un thème évident mais qui, pour l’instant, n’avait jamais été véritablement traité. Il lui manque juste un peu de légèreté.
« Le Ludique », VILLENEUVE-D’ASCQ (59), musée d’Art moderne Lille Métropole, 1 allée du musée, tél. 03 20 19 68 68, 10 avril-24 août.
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Les jeux sont faits
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°548 du 1 juin 2003, avec le titre suivant : Les jeux sont faits