Né en Hollande en 1920, fondateur de Cobra, puis membre de l’Internationale Situationniste à la fin des années 1950, Constant, en un demi-siècle, a multiplié les révoltes. En organisant la première rétrospective en France de l’artiste, peintre et architecte, le Musée Picasso d’Antibes dévoile une œuvre prête pour des lendemains qui chantent.
ANTIBES - Quel sort réserver à New Babylon, l’immense navire architectural “utopien” imaginé par Constant ? Conduit par le peintre entre 1957 et 1968, le projet n’a rien d’une parenthèse. La rétrospective consacré actuellement au Hollandais par le Musée Picasso d’Antibes dirait même l’inverse : il y a un avant et un après New Babylon. L’accrochage des quelque soixante-dix œuvres présentes ne réserve pourtant pas une attention si particulière aux recherches sur “l’urbanisme unitaire”. Il se contente juste de suivre. Caractère bidimensionnel, influence primitive et trace du geste : L’Ombre, Le Chat ou les Masques de la désobéissance arborent les méthodes exutoires de Cobra à la fondation duquel l’artiste participe en 1948. Compagnon d’Asger Jorn dont il s’éloigne en 1949, anticipant de deux ans la dissolution du groupe, Constant Anton Nieuwenhuys, de son vrai nom, parle couramment le langage pictural de l’après-guerre. Il multiplie même les pistes : sa Composition avec triangle orange de 1953 n’est pas sans rappeler Ellsworth Kelly. Quant à la Composition avec 158 carrés, contemporaine, elle lorgne avec insistance vers l’abstraction géométrique. De tous ces chemins, le plus couru n’est pourtant pas à chercher sur les toiles.
Vaisseaux nomades
En intégrant l’Internationale Situationniste en 1958, Constant abandonne partiellement la peinture. New Babylon devient alors l’objet principal de son travail. “Le programme minimum de l’I. S. est l’expérience de décors complets, qui devra s’étendre à un urbanisme unitaire, et à la recherche de nouveaux comportements en relation avec ces décors”, cosigne ce dernier avec Guy Debord en 1958 dans La Déclaration d’Amsterdam. Flexible, modulable et surtout nomade, New Babylon est conçue comme un vaisseau, une grille en perpétuel mouvement. En bois, en métal et Plexiglas, la maquette du secteur oriental (1959) dispose les aires de jeux et de dérives, et préfigure les formulations de l’architecture radicale des années 1960 et 1970 (Monumento continuo (1969) de Superstudio ou la bande d’Exodus, le scénario échafaudé à partir de 1972 par Rem Koolhaas et Elia Zenghelis). La structure peut s’étendre, se déplacer, se moduler au gré des ambiances souhaitées. Mais, l’incompréhension de l’Internationale Situationniste, inquiétée par une activité jugée “réformatrice”, amène Constant à rompre avec l’organisation en 1960. “Constant avait toujours affirmé que New Babylon serait construite par des Néos-Babyloniens après la révolution et que ses recherches devaient être vues comme une tentative de préfiguration d’un monde qui serait, de toute façon, et sans aucun doute, réalisé par une société nouvelle, et non par lui, ni par l’I. S.”, note pourtant Francesco Careri dans le catalogue de l’exposition. Indispensable, ce préalable est formulé dans les peintures des années 1960 et 1970, séries de visites dans les labyrinthes piranésiens de New Babylon : Ode à l’Odéon (1969), Erotic space (1971), Happening (1973). Rêvée, la cité semble ensuite remisée pour des lendemains plus radieux. Rwanda (1994), Sans-abri (1998), Expulsés (1999) habitent aujourd’hui les œuvres de Constant dont l’âge n’altère pas l’indignation. À ces grands formats récents aux teintes jaunes et roses un peu mielleuses, on pourra préférer les promenades dans les jardins de New Babylon.
- CONSTANT, UNE RÉTROSPECTIVE, jusqu’au 15 octobre, Musée Picasso, château Grimaldi, Antibes, tlj sauf lundi, 10h-18h, vendredi 10h-22h, cat., éditions RMN, 150 p., 190 F
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Les jardins de New Babylon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Les jardins de New Babylon