Les couleurs pas innocentes de Boris Mikhaïlov

La guerre en Ukraine n’est évidemment pas étrangère à cette programmation. À la Bourse de commerce, le choix de la présentation des séries Luriki et At Dusk incombe à l’artiste Anri Sala, invité pour une carte blanche. Issues de la collection Pinault, ces deux séries appartiennent à deux époques différentes dans le parcours du photographe, mais elles ont en commun un usage de la couleur dont les tonalités distinctes ont valeur de symbole : teintes kitsch et allusives ainsi pour Luriki, réalisée entre 1971 et 1985 à partir de photographies de famille glanées ou faites, vantant la vie soviétique qu’il recolorise de cette manière pour ironiser sur la situation sans risquer d’être emprisonné. Tout autre est la couleur des photographies panoramiques d’At Dusk, sur la vie quotidienne dans les rues de Kharkiv en 1993, deux ans après la chute de l’Union soviétique et l’accession de l’Ukraine à l’indépendance. Le bleu choisi ici par Mikhaïlov est à associer à la guerre et aux attaques aériennes qu’il a connues quand il avait trois ans, et qui donnaient au ciel, la nuit, une couleur bleu foncé. Le soviétisme a disparu mais une autre obscurité s’est abattue sur le pays et ses habitants : celle de la pauvreté.