Les bonnes recettes d’Art Basel

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 27 mai 2016 - 833 mots

Parmi près de 300 foires d’art dignes de ce nom dans le monde, Art Basel règne sans partage. Pourquoi est-elle indétrônable ?

Les foires d’art se sont multipliées dans le monde ces dix dernières années, depuis que les nouveaux riches s’y intéressent, de la Chine au Brésil, de la Russie au Moyen-Orient. On en dénombre près de trois cents. Et avec cet engouement, une concentration d’événements majeurs s’est opérée autour d’une poignée d’acteurs reconnus du secteur, dont le groupe suisse MCH. C’est lui qui organise la foire d’art contemporain admirée entre toutes par 98 000 amateurs, parmi les plus accros : Art Basel, qui accueille du 16 au 19 juin, à Bâle pour sa 47e édition, deux cent quatre-vingts galeries internationales présentant plus de quatre mille artistes.

La course en tête
Comment est-elle restée la foire premium face à cette multiplicité de prétendants au trône ? Les raisons en sont multiples : réputation d’excellence, savant cocktail d’artistes stars et émergents, focus très contemporain, comité de sélection draconien ne conservant que 30 % des projets soumis par les galeries, invitation de l’élite des VIP de la planète, marketing affûté à l’échelle planétaire, rigueur d’organisation qui n’a rien à envier à la célèbre précision horlogère suisse, investissements permanents pour maintenir l’attractivité, comme ce cône renversé d’Herzog & de Meuron devenu l’entrée magistrale des sections Design et Unlimited, foisonnement d’événements off… Guillaume Robic, directeur de la communication et du mécénat de la Monnaie de Paris, résume bien la situation : « Art Basel est un événement qui ne s’est pas dilué avec le temps et, en grandissant, sa force vient autant de la qualité de ses participants que de la forme compacte de la manifestation. »
Le tout boosté par la richesse de la communauté suisse en général et bâloise en particulier. La tradition de collectionneurs mécènes y est très ancrée. Acteurs publics et privés s’unissent pour faire de cette ville de 190 000 habitants une destination culturelle, avec ses trente musées et ses conservateurs de haut vol. Le Kunstmuseum de Bâle et la célèbre fondation du défunt marchand d’art Beyeler se partagent la vedette. D’ailleurs, au moment où le premier inaugure un nouveau bâtiment conçu par les architectes Christ & Gantenbein, la Fondation Beyeler entame une consultation pour s’agrandir elle aussi. Le Kunstmuseum a réuni pour son extension un budget de 100 millions de francs suisses dont la moitié financée par la philanthrope Maja Oeri, qui a aussi acheté le terrain pour 20 millions [lire p. 128]. Le musée rassemble quatre mille peintures, sculptures, installations et trois cents dessins, une collection constituée autour d’un noyau d’œuvres réuni par l’amateur Basilius Amerbach, acquis par la Ville et l’université en… 1661. Les dix-neuf salles supplémentaires, d’une surface totale de 8 000 mètres carrés, vont permettre de créer l’événement en permanence avec des expositions temporaires. Quant à la Fondation Beyeler, elle a sollicité onze agences internationales pour son projet d’extension, et le choix incombera à un jury composé de pointures tels les architectes Jean Nouvel et Annabelle Selldorf, le codirecteur des Serpentine Galleries de Londres, Hans-Ulrich Obrist, le patron des Tate, Sir Nicholas Serota…

Une concurrence stimulante
Et ces recettes miracles, MCH les a déclinées en 2002 aux États-Unis avec Art Basel Miami et, en 2013, en Asie avec Art Basel Hong-Kong, pour couvrir les marchés majeurs. Des territoires qui ont compris l’intérêt de miser sur l’art pour renforcer leur attractivité touristique et économique. Le maire de Miami n’estime-t-il pas l’impact de la foire à 500 millions de dollars ? Pour autant, la concurrence se durcit. La prestigieuse Tefaf de Maastricht, qui couvre sept mille ans d’histoire, lance deux foires à New York, dont l’une, en mai 2017, axée sur l’art moderne et contemporain ainsi que sur le design. Quant à la très branchée Frieze de Londres, qui a déjà essaimé à New York, elle vient de trouver un partenaire majeur : WME-IMG, géant américain du sport et du divertissement et agent de stars et d’athlètes, de Ben Affleck et Matt Damon à Serena Williams et Novak Djokovic. De quoi donner à la foire les moyens de se développer et d’accroître son expertise dans l’événementiel. « WME-IMG a le sens du fun, la connaissance du star-system comme des sponsors ; ils sauront créer des passerelles entre les arts, muscler les soirées VIP », estime l’art-advisor Laurence Dreyfus, qui a collaboré avec ce géant dans le passé. 

Il est loin le temps où les foires étaient avant tout des rassemblements de galeries. Des ambiances feutrées, on est passé au happening permanent. MCH, qui s’affirme comme un image maker grâce à des références comme Art Basel Miami, réputée la foire la plus festive, ou Unlimited Basel la plus hors normes, pourrait conforter son avance de manière inattendue : le lancement d’Art Basel Cities va lui offrir un véritable laboratoire pour tester des innovations culturelles à résonance internationale pour le compte de métropoles ambitieuses – Dubaï, Singapour et Istanbul seraient intéressées – tout en faisant rayonner sa marque sur toute la planète.  

Art Basel 2016

Du 16 au 19 juin 2016. Messe Basel, Messeplatz 10, Bâle (Suisse).

Ouvert de 11 h à 19 h. Tarifs : 28 à 120 CHF.

www.artbasel.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°691 du 1 juin 2016, avec le titre suivant : Les bonnes recettes d’Art Basel

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