Renaissance

Léonard et ses contemporains trop à l’étroit

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 13 février 2019 - 846 mots

PARIS

L’exposition que consacrent les Beaux-Arts de Paris aux dessins de la Renaissance italienne présente de belles feuilles, malheureusement confinées dans les espaces restreints du cabinet Jean-Bonna.

Paris. En cette année de célébration du 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci (1452-1519), l’École nationale supérieure des beaux-arts, rebaptisée « Beaux-Arts de Paris », consacre une exposition aux dessins de la Renaissance italienne qu’elle abrite dans ses réserves. Au total, trente feuilles sont de sortie, dont quatre de la main de l’auteur de La Joconde (lire l’encadré). Il s’agit d’une sélection modeste étant donné la richesse de la collection de dessins de maîtres de toutes époques conservée par l’institution, laquelle, forte de ses 25 000 numéros, est la plus fournie de France après le Musée du Louvre. Le cabinet des dessins Jean-Bonna, niché au cœur des Beaux-Arts, n’offre en effet qu’une maigre surface d’exposition (85 m2). Le choix des pièces est cependant plutôt pertinent au regard des ambitions de la manifestation (laquelle, soulignons-le, est en accès libre) : montrer les différents usages du dessin dans les ateliers italiens à la fin du XVe et au début du XVIe siècle (lire l’encadré). De fort belles feuilles sont présentées, certaines montrées au public pour la première fois. Mais l’exposition manque d’un fil conducteur. À l’exception du panneau introductif, les cartels livrent des informations assez hétéroclites que le visiteur risque fort de recevoir dans un certain désordre tant le sens de la visite est incertain et les possibilités de cheminement diverses. Le fait de ne pas pouvoir observer le recto et le verso d’un dessin dans un même mouvement, mais après avoir contourné une cimaise et une suite d’autres œuvres, fait partie des désagréments de la visite.

Plus que le propos, ce sont surtout des contraintes pratiques qui ont présidé à cet accrochage très éclaté où certaines feuilles habillent des recoins pas toujours faciles d’accès. Reconnaissons qu’il est difficile de construire un circuit de visite fluide dans ce tout petit cabinet Jean-Bonna qui ne se contente pas d’accueillir les expositions. Ce cabinet des dessins qui a ouvert ses portes en 2005 sert en effet également d’espace d’étude, dans un esprit inspiré des pratiques anglo-saxonnes. Ainsi, les murs et les cimaises autoportantes cohabitent avec des bureaux et ordinateurs.

L’École des beaux-arts a bien compris les limites de ce cabinet qui ne favorise guère le confort des visiteurs ni la concentration des chercheurs, et qui n’est pas ouvert de manière régulière le week-end. Un nouvel espace consacré aux expositions de dessin, d’une surface de 100 m2 environ, devrait donc prendre place dans l’école au niveau de l’entrée du quai Malaquais, « fin 2019 ou début 2020 », annonce Jean de Loisy, nommé à la direction de l’École en décembre dernier. À terme, le cabinet Jean-Bonna devrait quant à lui être dévolu exclusivement à l’accueil des chercheurs.

Usages du dessin à la Renaissance  

 

Livres de modèles. L’exposition illustre les différents usages qui étaient ceux du dessin entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. L’accrochage fait la part belle aux livres de modèles qui « composent l’essentiel de la production graphique connue pour le dessin au Quattrocento », comme il est rappelé dans le catalogue. Constitué par le maître d’atelier, ce livre propose un répertoire de formes et de motifs dans lesquels les assistants venaient par la suite puiser. Pour façonner un stock d’attitudes variées, Filippino Lippi avait coutume de faire poser ses garçons d’atelier. Ce fut probablement le cas pour la très belle feuille représentant, sur le recto et le verso, quatre figures d’hommes drapés dans différentes positions. Quelques jolies études préparatoires habillent aussi les cimaises. Ainsi de cette Vierge en buste à la pierre noire de Raphaël, prélude au Couronnement de la Vierge conservée à la Pinacothèque de Rome : l’artiste a traité sommairement la chevelure mais dessiné avec beaucoup d’attention les traits du visage et les ombres portées. Parmi les cartons – esquisses de grande dimension à partir desquelles l’artiste exécute la version finale de sa composition peinte – se distinguent un tendre Jésus et saint Jean-Baptiste s’embrassant de Bernardino Luini qui offre un haut degré d’achèvement.

 

Margot Boutges

 

Les quatre Léonard des Beaux-Arts  

Collection. À partir du XIXe siècle, l’École des beaux-arts a beaucoup bénéficié de la générosité d’artistes et d’amateurs d’art qui, soucieux de participer à la formation de jeunes élèves, ont donné et légué de nombreux dessins de maîtres de la peinture italienne. Parmi eux, quatre feuilles de Léonard de Vinci ont rejoint les collections en 1883 et 1908. Ces dessins, exposés côte à côte pour la première fois, sont très représentatifs de la production graphique léonardesque. Une feuille d’études pour L’Adoration des mages, aux attitudes expressives et mouvementée, et une Étude de balistique trahissent la rapidité avec laquelle l’artiste pouvait exercer son trait. Et deux têtes creusées par les ans (Profil de vieil homme tournée vers la droite, Tête de vieillard de trois quarts à droite [voir ill.]) témoignent de la passion qu’il entretenait pour les « figures de caractères » dont le modèle a infusé la peinture de l’Europe du Nord.

 

Margot Boutges

Léonard de Vinci et la Renaissance italienne. Dessins de la collection des Beaux-Arts de Paris,
jusqu’au 19 avril, Cabinet Jean-Bonna, 14, rue Bonaparte, 75006 Paris, beauxartsparis.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : Léonard et ses contemporains trop à l’étroit

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque