En 1970, Susan Meiselas habite au 44 Irving Street à Cambridge, Massachusetts. Elle a 22 ans et « ne parvient pas à se faire à l’idée de faire de la photographie son métier ».
Elle ne se retrouve pas davantage dans la photographie de rue. Quarante-huit ans plus tard, la photographe, membre dès 1976 de l’agence Magnum, compte parmi les grandes figures de la photographie documentaire. Son travail sur les insurrections en Amérique centrale durant les années 1978-1983, auprès des Sandinistes notamment, l’a rendue célèbre. Plusieurs fois, elle est revenue par la suite sur les sites de ses images pour retrouver les personnes photographiées et enregistrer leurs témoignages. Ses différents livres, films sur le sujet, installations et interventions dans l’espace public au Nicaragua relatent sa manière d’envisager le médium, indissociable dans sa pratique des usages qu’elle en a fait par la suite ou qu’on en fait. L’installation Médiations, qui donne son titre à l’exposition, incarne bien le besoin de la photographe de mettre en perspective les utilisations de ses propres images sur le Nicaragua, soit par les médias, soit par elle-même à travers des expositions ou l’édition de livres. « Ce n’est pas que le sujet, ni que l’objet photographique, qui m’intéresse, c’est comment les images sont partagées, comment on s’en souvient et comment elles réapparaissent », souligne-t-elle. Kurdistan ou violence domestique aux États-Unis : aucun de ses travaux les plus récents n’a dérogé à ce principe du récit interactif, à chaque fois différent dans son appréhension et sa forme. La sélection, resserrée sur ses séries majeures, relate finement le positionnement. Dès les portraits des locataires du 44 Irving Street qu’elle accompagne de leurs commentaires écrits, Susan Meiselas pose sa manière d’envisager un récit photographique. « Une photographie est toujours le témoin d’une relation humaine », d’une cause aussi, et d’un combat. En témoigne la salle entière consacrée au Kurdistan, aux archives récoltées pour « enrichir la mémoire collective » via le site www.akakurdistan.com qu’elle a créé.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : L’engagement photographique de Susan Meiselas