Rendez-vous annuel incontournable d’un public toujours plus nombreux, le spectacle des Carrières des Baux-de-Provence concentre cette année ses effets sur trois artistes du XVIe siècle : Jérôme Bosch, les Brueghel et Giuseppe Arcimboldo.
Entre l’enfer et le paradis, entre le Bien et le Mal, l’imagination débordante du premier s’exprime dans un style très singulier par des créatures fantastiques composées d’animaux, d’êtres humains, de végétaux et d’éléments mécaniques évoluant dans des univers sortis de ses visions hallucinées. Les immenses parois des carrières s’animent soudain de compositions grouillantes : œufs aux pieds fourchus emportant des cadavres, girafes courtaudes, tatous rondouillards, gargouilles dégringolantes, monstres ailés, créatures fantastiques qui déboulent en hordes démoniaques sur les retables. Dans Le Jardin des Délices, triptyque fascinant peuplé de chardonnerets géants, de couples assommés de félicité, Bosch dresse l’état de l’humanité avant le péché final. L’influence de Bosch se retrouve dans la peinture flamande, en particulier dans les tableaux de Brueghel l’Ancien, avec sa tour de Babel, symbole de la présomption humaine frappée par la sanction divine, et de Brueghel le Jeune, qui atteint des sommets de gaieté et de désinvolture lorsqu’il dépeint kermesses et noces villageoises : ripailles, danses, amours champêtres, il excelle à traduire par son pinceau les détails, les mouvements des personnages saisis sur le vif, les effets de perspective. Tout aussi délirantes sont les têtes anthropomorphes d’Arcimboldo, que ce soit Les Quatre Saisons, Les Quatre Éléments ou les fameuses têtes réversibles qui permettent une lecture dans les deux sens. Sens dessus-dessous, nous le sommes, et au vertige des images s’ajoute le vertige musical qui fait vibrer les parois avec Vivaldi « revisité » par Max Richter, Led Zeppelin et Carmina Burana. Fantastique et merveilleux, vraiment.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°703 du 1 juillet 2017, avec le titre suivant : L’enfer fait carrières