Le château de Blois se penche sur les conditions de vie très rudes des enfants, de la naissance à l’éducation, de la fin du XVe au début du XVIIe siècle.
Blois (Loir-et-Cher). Le château de Blois a vu grandir entre ses murs de nombreux fils et filles de rois et de reines. François Ier et Claude de France en ont fait leur pouponnière, et Henri II et Catherine de Médicis y ont souvent logé leur progéniture. C’est pourquoi cette ex-demeure royale (aujourd’hui sous tutelle municipale) consacre une exposition aux enfants pendant la Renaissance. Un parcours bref mais ambitieux, mené d’une main experte par Élisabeth Latrémolière, conservatrice en chef, qui ne s’est pas contentée de dresser un bottin des mini-têtes couronnées mais s’est interrogée largement sur le fait d’être un enfant aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. Si les couches sociales supérieures de la population sont ici les plus représentées, c’est parce que ce sont celles qui ont laissé le plus de témoignages.
Ici l’enfance démarre dès le premier jour. Le parcours réserve une large place à la question de l’accouchement, en déclinant de nombreux traités médicaux conservés par la Bibliothèque nationale de France. Des délivrances à hauts risques, pratiquées par les sages-femmes et progressivement par des chirurgiens, que des objets prophylactiques tentaient de sécuriser (tel, prêté par le Mucem de Marseille, ce touchant talisman du XVe siècle destiné à protéger les femmes en couches). Car naître, c’est aussi affronter la mort. La mortalité infantile, accueillie avec un certain fatalisme, est en effet dévastatrice et frappe sans grande distinction toutes les catégories de la société, comme le montre cet émouvant gisant de bébé venu du Louvre. Un enfant sur quatre n’atteint alors pas l’âge de 1 an et un sur deux ne dépasse pas sa dixième année. Dans ce contexte, les usages dans la prise en charge des nouveau-nés ont de quoi faire frémir un visiteur contemporain : l’eau était proscrite, tandis que l’emmaillotement auquel était soumis l’enfant non sevré nous semble presque criminel tant il ne favorise pas l’hygiène.
Être un enfant, c’était souvent aussi grandir loin de ses parents. Les rejetons des hautes castes étaient envoyés à la campagne et confiés aux soins d’une nourrice afin que les mères, dispensées d’allaitement, puissent se consacrer à leurs tâches de représentation au sein de la maison. Dans le cas des familles royales, les enfants étaient élevés loin de la cour itinérante, au cœur de la maison des enfants royaux. Cette mise à distance ne veut pas dire que les parents se désintéressaient de leur progéniture, encore moins de leur lignée. En atteste la mode de ces portraits d’enfants réalisés par des peintres, dans lesquels l’attachement parent-enfant est de plus en plus mis en exergue, une pratique picturale qui va peu à peu se généraliser.
Être un enfant, c’est enfin apprendre à devenir un adulte. Souvent en imitant les grands, comme le montrent ces armures de petites tailles dans lesquelles les jeunes garçons de la noblesse s’exerçaient aux armes à partir de 7 ans. Cette exposition, où le dialogue entre vie et mort est étroit, ressuscite avec talent les mœurs d’une époque où la condition d’enfant rimait avec précarité.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : L’enfance à la Renaissance