Il y a des dialogues qui n’accrochent pas. Et d’autres que l’on ne peut interrompre. La conversation qui s’est s’engagée entre Henri Laurens et Fernand Léger au Musée Frieder Burda se poursuivra bien après l’exposition cornaquée par le commissaire Jean-Louis Prat. Laurens et Léger, probables « voisins » de Ruche à Paris en 1910, se sont fréquentés.
Ils se sont regardés, appréciés même, sans jamais se copier ni s’inspirer. Chacun a exploré sa propre voie moderniste, le premier par la sculpture, le second par la peinture. Le premier en choisissant le chemin du cubisme de Braque, le second en suivant la direction, plus personnelle, du « tubisme ». Pourtant, leur rapprochement n’apparaît plus aujourd’hui seulement générationnel – à noter leur étonnante contemporanéité : 1885-1954 pour Laurens et 1881-1955 pour Léger –, mais aussi et avant tout formel. À tel point que l’on se demande pourquoi personne n’a songé à les réunir auparavant.
Aux problèmes soulevés par la représentation, tous les deux adoptent des solutions plastiques comparables. Quand Laurens en appelle au vide pour donner forme à une bouteille (Bouteille et verre, 1918), Léger a déjà utilisé le blanc de la toile pour faire émerger ses Contrastes de formes (1913). Même simplification et même fragmentation des formes, même superposition des plans, même intérêt pour la construction faite de lignes verticales et horizontales, droites et courbes, les deux artistes se distinguent pourtant, au départ, par le choix de leurs sujets : de splendides natures mortes cubistes en trois dimensions pour Laurens (Compotier de raisins, 1918), la figure humaine pour Léger (La Mère et l’enfant, 1919). Cubisme ou tubisme, peu importe puisque Laurens finit par rejoindre le camp de la figure dans les années 1920. Pas n’importe laquelle, une figure de plus en plus massive, faite de membres lourds, si proche des personnages peints par l’ami Léger.
Dans l’esprit comme dans les formes, le dialogue établi entre La Femme agenouillée à la draperie de Laurens (1926) et Les Deux Femmes et la nature morte de Léger (1920) est emblématique de l’exposition. Et l’on comprend en descendant les étages du musée allemand, jusqu’à l’apothéose – la réunion de Composition aux deux perroquets (Léger, 1935-1939) et de La Grande Musicienne (Laurens, 1938) –, que les deux amis parlaient finalement le même langage : lorsque Laurens abordait la sculpture en peintre, Léger peignait, lui, en sculpteur.
Musée Frieder Burda, Lichtentaler Allee 8b, Baden-Baden (Allemagne), www.museum-frieder-burda.de
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Léger et Laurens en grande conversation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°649 du 1 septembre 2012, avec le titre suivant : Léger et Laurens en grande conversation