Au départ, on y allait un peu à reculons. La série Largo Winch, avec sa ligne claire certes virtuose mais classique et, surtout, son héros à l’allure boy-scout, est loin d’être ce qu’on préfère en bande dessinée.
Mais, une fois parcouru l’expo, formidablement bien conçue pour nous faire pénétrer la galaxie Largo Winch et les arcanes de l’économie mondialisée, force est de reconnaître qu’on a pris bien du plaisir à croiser la route de cet aventurier de l’économie, playboy ayant hérité à 26 ans d’un énorme empire financier. Tout d’abord, le lieu, à savoir l’hôtel Gaillard au décor néo-Renaissance, est exceptionnel : le visiteur a rapidement l’impression d’arpenter un monument historique qui pourrait pleinement accueillir une nouvelle aventure du trépidant milliardaire humaniste, créé en 1990 par Jean Van Hamme – on fête cette année ses 30 ans d’existence –, dessiné par Philippe Francq, repris par Éric Giacometti. Puis le circuit de l’exposition, élaboré finement par le talentueux commissaire Didier Pasamonik, s’avère, en agrégeant une soixantaine de dessins, d’objets, de reproductions, de vidéos et de décors, d’une efficacité pédagogique redoutable. Non seulement la fabrique de cette saga BD populaire est parfaitement révélée – on ne se lasse pas par exemple d’admirer la construction architectonique des planches originales tirées au cordeau de Francq –, mais, en plus de ça, on apprend plein de choses, grâce à des fiches mises à disposition, sur les pratiques économiques ou les krachs boursiers au trading haute fréquence via les bulles spéculatives. Bref, cet événement culturel, à expérimenter tel un vertigineux terrain de jeu conciliant économie et bande dessinée, est hautement fréquentable !
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : L’économie facile avec Largo Winch !