Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune exposition française ne s’était penchée sur les premiers temps du cubisme. Cette lacune est désormais comblée grâce à l’initiative d’Anne Baldassari, la boulimique directrice du musée Picasso. Prenant pour prétexte la date anniversaire des Demoiselles d’Avignon, toile « exorciste » créée il y a tout juste un siècle, l’exposition parisienne donne ainsi à voir et à comprendre les mille et une facettes du cubisme picassien : ses sources iconographiques (des fétiches africains et océaniens à la sculpture ibérique, en passant par le primitivisme de Gauguin), ses tâtonnements et ses inventions plastiques (autoportraits cernés de noir aux allures de masques, grands portraits génériques en gris et brun flirtant avec l’abstraction, papiers collés de 1912 se jouant du réel pour mieux tromper l’esprit), sans oublier ses ultimes investigations, entre constructions et objets de substitution...
Car loin de se borner à la fourchette chronologique traditionnelle proposée par les historiens de l’art (qui font généralement mourir le mouvement à l’approche de la Première Guerre mondiale), l’exposition parisienne propose une lecture plus large en incluant les expérimentations picassiennes de 1923.
À ceux qui lui reprochaient d’osciller de façon permanente entre géométrisme et figuration, Picasso répliquait lui-même avec une pointe d’ironie : « Quand j’entends les gens parler de l’évolution de l’artiste, il me semble que c’est comme s’ils le voyaient entre deux miroirs placés l’un en face de l’autre, miroirs qui répètent son reflet un nombre innombrable de fois, et comme s’ils considéraient la série des images du premier miroir comme son passé et les images du second miroir comme son avenir, alors que lui-même aurait pour eux la valeur du présent. Ils n’ont pas l’idée que tout cela ce sont les mêmes images, seulement sur des plans différents. » Soit une manière de rendre obsolète cette césure artificielle entre « cubisme pur » et supposé « retour à l’ordre » de la figure...
Mais au-delà de ces considérations idéologiques, l’exposition parisienne offre de magnifiques chocs visuels, comme ce monumental Homme au verre de 1914, verte icône qu’on rêverait de voir entrer un jour dans les collections nationales.
« Picasso cubiste », musée Picasso, Hôtel Salé, 5, rue de Thorigny, Paris IIIe, tél. 01”‰42”‰71”‰25”‰21, jusqu’au 7 janvier 2008.
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Leçon magistrale de cubisme au musée Picasso
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Leçon magistrale de cubisme au musée Picasso