C’est l’histoire d’un peintre d’origine chinoise qui ne voulait pas qu’on le regarde comme un artiste chinois, mais comme un artiste tout court – à l’école des beaux-arts de Hangzhou, où il entra en 1935 à 15 ans, il s’affranchit rapidement de la calligraphie et de la peinture traditionnelle chinoise pour peindre à l’huile.
Comme Cézanne ! Il lui faudra vivre et créer longtemps, en France, aux États-Unis, et s’éloigner de la peinture figurative pour renouer avec les encres de Chine. L’exposition que l’hôtel de Caumont consacre à Zao Wou-Ki retrace la vie et la quête de ce peintre qui voua son existence à chercher à représenter la lumière, le vide, l’espace, la couleur. « Comment représenter le vent ? Comment peindre le vide ? Et la lumière, sa clarté, sa pureté ? », écrivait Zao Wou-Ki. Quatre-vingt-dix œuvres suffisent pour nous plonger dans cette recherche de l’invisible. Au fil des ans, d’une toile à l’autre, on voit les astres lunaire et solaire disparaître des tableaux, les éléments tangibles du monde devenir signes puis couleurs, et l’on traverse ces ténèbres qui enveloppèrent le peintre dans les années douloureuses de son existence, où il connut la séparation, la maladie, le deuil : on en voit surgir la lumière, comme le dit le titre d’un de ses derniers tableaux : Il ne fait jamais nuit . N’a-t-on pas vu en effet au long de ce parcours sublime la lumière triompher de la nuit et du chaos ? Est-ce la mort qu’on a traversée et vaincue ? En plongeant dans ces toiles, il n’a point été question de se cultiver, mais de vivre et de contempler le mystère d’une existence où la nuit comme le jour illumine. On en sort transformé.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°744 du 1 juin 2021, avec le titre suivant : Le triomphe de la lumière chez Zao Wou-Ki
