C’est à la faveur de l’entrée dans les collections du Musée de l’Élysée du fonds d’archives Jan Groover (1943-2012) que s’organise cette rétrospective qui sort des limbes le travail de la photographe américaine.
Jan Groover a été une figure marquante de la scène artistique des années 1970-1980 que consacra la rétrospective du MoMA en 1987. La donation, il y a trois ans, de son époux, le peintre et critique Bruce Boice, puis les études accomplies depuis par le musée sur l’archive rendent à nouveau visible une œuvre que le choix du couple de quitter les États-Unis après l’élection de George Bush pour s’installer dans le Périgord a eu pour effet de faire disparaître des radars institutionnels. Jan Groover a toujours affirmé ses choix. L’exposition le montre clairement dans son déroulé chronologique et les deux films projetés. D’abord quand elle décide d’abandonner la peinture pour la photographie, afin d’établir ses propres recherches formelles que portent ses premiers travaux sur les sémantiques des autoroutes et rues urbaines. Les somptueux Kitchen Still Lifes et les Tabletop Still Lifes au platine-palladium qui la rendront célèbre ont prolongé ensuite dans un tout autre registre ses recherches sur les formes et leur dialogue dans l’espace. Évier de cuisine et tables puis, plus largement, son studio, que ce soit aux États-Unis ou en France, deviennent de fascinantes scènes de théâtre d’objets. Son approche de rues évidées de quartiers démunis de New York ou la construction d’une autoroute dans le Périgord expriment tout autant son appétence à faire surgir du banal une dynamique des formes confondante d’intériorité, à l’instar de ses portraits et de la collection de photographies du couple, dont quelques pièces sont pour la première fois montrées.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Le théâtre des formes de Jan Groover