LYON
Nichée au dernier étage du MAC Lyon, l’exposition de Mary Sibande se compose d’une unique installation immersive pensée en lien avec la réalité sociale de l’Afrique du Sud.
La pandémie, qui a accru les inégalités structurelles persistantes dans la société malgré la fin de l’apartheid, a accentué un profond sentiment d’injustice chez les populations les plus précarisées, sentiment qui s’est exprimé par de violentes manifestations de colère (pillages, affrontements…). Mary Sibande a toujours fait de son expérience de femme sud-africaine noire le point de départ de son travail, qui traite de l’histoire coloniale de son pays et dénonce les discriminations de genre, de race et de classe qui y sévissent. Dans ses installations, elle met souvent en scène son alter ego Sophie, sculpture moulée sur son propre corps, qui a d’abord porté une robe bleue, en référence à la tenue des domestiques noires sous l’apartheid, puis s’est changée en figure hybride violette, représentant le démantèlement identitaire post-apartheid. Progressivement, la couleur rouge, symbole de la rage, a pris de plus en plus de place, et s’est imposée comme la couleur maîtresse de cette exposition-manifeste. Nous ne sommes plus face à Sophie, mais à un nouvel avatar : une ventriloque, également moulée sur le corps de l’artiste et vêtue d’une robe rouge spectaculaire confectionnée par une coutière lyonnaise. Cette figure fait face à une structure en forme d’amphithéâtre sur laquelle est installée une assemblée de chiens faméliques rouges, dont l’aspect menaçant est accentué par un éclairage extrêmement soigné. Partie d’une expression swati qui associe le sentiment de colère à un chien rouge, Mary Sibande fait de ces sculptures canines des allégories de la férocité de la colère et des dégâts qu’elle peut causer. Dans ce « véritable théâtre de la violence » retentit, comme un oracle, la voix de la ventriloque – celle de l’artiste – invitant ses concitoyens à canaliser leur colère. Par cette installation, aussi puissante que poétique, Mary Sibande réaffirme le rôle politique de l’artiste.
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Le théâtre de la violence de Mary Sibande
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°753 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Le théâtre de la violence de Mary Sibande