Dans les années 1980, le retour en grâce de la peinture a été proclamé haut et fort par l’Europe. Lassée de l’hégémonie américaine, certains acteurs des milieux artistiques allemands et italiens sont montés au créneau, bien décidés à faire de la peinture le mode d’expression artistique privilégié de cette décennie. Après une dizaine d’années de dématérialisation, d’art conceptuel, de Minimal art et d’Arte povera, une génération d’artistes nés dans les années 1940 se sentait prête à proclamer le renouveau de l’art pour l’art. Le projet, âprement combattu durant toute une époque orientée vers la société, la politique, et l’implication de l’artiste dans le présent et le concret, trouva, dans l’emballement du marché de l’art, un allié de poids. En Italie, la fronde fut conduite par un critique d’art en pleine ascension, Achille Bonito Oliva, et un groupe d’artistes qu’il baptisa Trans-Avant-garde italienne. Un mythe était né à grand renfort d’expositions-événements, d’articles retentissants et de records de vente. Le post ou le néo-modernisme avait pour visages Sandro Chia, Francesco Clemente, Enzo Cucchi, Nicola de Maria et Mimmo Paladino, mais on en comptait des avatars en Allemagne, en France et aux Etats-Unis. Le mouvement italien fait figure d’exemple tant la stratégie esthétique et médiatique fut efficace et la reconnaissance du groupe, fulgurante. En quelques années – celles sur lesquelles le musée turinois se penche aujourd’hui, de 1979 à 1986 – ces peintres tenaient le haut du pavé avec leur art, entre néo-expressionnisme et néo-maniérisme. L’exposition de Turin se penche sur les cinq artistes historiques de cette vague trans-avant-gardiste, en les représentant de façon assez complète, par une quinzaine d’œuvres chacun. On reconnaîtra sans peine l’auto-référence de Clemente, le figuratif singulier de Chia, les toiles sombres et violentes de Cucchi, l’abstraction de De Maria et l’univers particulier de Paladino. Le subjectif prédomine ces œuvres de facture traditionnelle aux styles disparates, dont le leitmotiv s’ancre dans l’inquiétude. Reste à savoir si l’exposition aura l’audace de faire le point sur la situation historique de ce mouvement : éphémère phénomène de mode ? Dérapage de la spéculation ? Etoiles filantes ou réelle pierre apportée au monument de l’histoire de l’art ? Les années 1980, cibles d’un « revival » musical et vestimentaire, sont désormais dans la ligne de mire du tribunal de l’histoire.
RIVOLI, Castello di Rivoli, piazza Mafalda di Savoia, tél. 011 956 52 22, 13 novembre-26 janvier.
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Le sursaut italien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Le sursaut italien