Gigantesque. - S’il est un grief que l’on ne peut pas faire aux conservateurs du Château de Versailles, c’est bien d’être frileux.
Il faut en effet une bonne dose d’audace pour braquer les projecteurs sur Horace Vernet (1789-1863) ! Déjà, de son vivant, l’homme divise. Certains critiques et personnalités, dont le roi des Français, l’idolâtrent, d’autres l’exècrent. À l’image de Baudelaire, qui vilipende ce « militaire qui fait de la peinture » et conspue son « art improvisé au roulement du tambour ». C’est bien simple : Vernet, on déteste ou on adore, voire, on adore détester. Il faut dire que le bonhomme incarne tout ce que notre époque ne voudrait plus voir de son passé, dont l’Empire et le colonialisme. Aie, le (gros) mot est lâché : Vernet a été l’un des plus prolifiques peintres officiels, qui a documenté la conquête de l’Algérie sous Louis-Philippe, un artiste embeded, au plus près des combats. D’où cette restitution incomparable de la violence des corps à corps, mais aussi la projection des fantasmes de son temps sur les femmes orientales, et une mise en images des préjugés racistes. Difficile de ne pas être un peu mal à l’aise face à ces éléments de propagande, glorifiés dans de gigantesques tableaux, frôlant pour certains les cent mètres carrés ! Impossible, pourtant, de ne voir que cela dans ce spectacle au souffle épique sidérant, brossé par ce reporter boulimique de travail. Dans ses meilleurs toiles, Vernet fait ainsi jeu égal avec des monuments comme Géricault ou Delacroix. Car avant d’être un peintre officiel, cet enfant de la Révolution qui a traversé les tumultes du siècle de l’Histoire, est surtout un romantique fiévreux, dont l’iconique Mazeppa a frappé des générations de spectateurs ébahis. Les deux cents œuvres rassemblées dans cette rétrospective attendue de longue date permettent de prendre la mesure de son talent, et d’appréhender sans préconçus idéologiques toutes les facettes de ce touche-à-tout, aussi à l’aise dans le paysage, la scène de genre, la peinture d’actualité ou le portrait.
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Le souffle épique d’Horace Vernet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : Le souffle épique d’Horace Vernet