Le Siècle d’or en odorama

Pour le spectateur, la Vue de l’Oudezijds Voorburgwal de Jan van der Heyden convoque irrésistiblement des sensations agréables et le souvenir d’un monde paisible, hélas disparu. Il y a fort à parier que les contemporains du tableau se seraient plutôt pincés le nez devant cette peinture qui restitue si fidèlement l’atmosphère des canaux. Un peu trop fidèlement même car si l’on scrute la composition on s’aperçoit qu’elle contient une foultitude de détails plus répugnants les uns que les autres. Au pied du pont, on tombe ainsi nez à nez avec des sanisettes au fonctionnement rudimentaire, puisqu’elles se déversent directement dans le fleuve. Fleuve dans lequel un homme s’emploie, à quelques mètres de là, à évacuer du crottin de cheval et des détritus variés. Plus que pour leur beauté, les canaux d’Amsterdam étaient au XVIIe siècle réputés pour leur puanteur. Une odeur nauséabonde dont on peut avoir une idée grâce à une pompe à molécules installée dans le très chic Mauritshuis. Le cabinet royal de peinture de La Haye propose en effet une plongée aussi insolite que déroutante à travers les odeurs de la peinture. Une archéologie olfactive qui permet de humer la senteur des épices, des pommes d’ambre, mais aussi des très acides champs de blanchiment qui étaient légion dans la campagne hollandaise. Loin d’être un gadget, ce dispositif inventif explore une dimension méconnue de la peinture ; la recherche de la correspondance entre les sens. Cette démarche déjà à l’œuvre à la fin de la Renaissance prend des proportions surprenantes au Siècle d’or, où les artistes rivalisent en créativité pour faire la synthèse des sens. Une manière surprenante et ludique de redécouvrir ces chefs-d’œuvre.