Monarque ombrageux et fanatique, ou humaniste et mécène éclairé : les célébrations du quatrième centenaire de la mort de Philippe II devraient révéler les contradictions du personnage. L’exceptionnelle exposition de l’Escurial dévoile les splendeurs artistiques de la cour espagnole au XVIe siècle.
MADRID (de notre correspondant). La première des expositions, intitulée “Philippe II, un monarque et son époque”, est présentée au monastère royal de L’Escurial, le grand projet architectural de son règne. Elle prend comme fil conducteur les diverses femmes qui ont entouré le roi au cours de sa vie. Pour illustrer la grandeur de la monarchie espagnole du XVIe siècle, quelque cinq cents pièces originales, de diverses provenances, ont été réunies : des tableaux du Greco, Sànchez Coello, Antonio Moro, Luis Morales, Pantoja de la Cruz, Titien, Rubens et Bosch, des sculptures de Leone Leoni, des manuscrits, des cartes géographiques, des codex et des livres enluminés de la Bibliothèque nationale ou du monastère lui-même, parmi lesquels se trouvent un Beato de Lièbana et une œuvre de sainte Thérèse de Jésus. Tout y est étonnant : les riches brocarts, les robes, capes et étendards, conservés pour la plupart par les religieuses de San Clemente, à Tolède ; les splendides armures de parade du roi, ou celle – minuscule – de son fils Philippe, alors Infant d’Espagne ; de précieux ouvrages de marqueterie et d’orfèvrerie, dont le coffret de la reine Anne d’Autriche, œuvre du mythique joaillier Wenzel Jamnitzer ; les instruments militaires et trophées de guerre. S’y ajoutent d’autres objets, uniques pour leur signification ou leur rareté, comme le virginal provenant du couvent de Santa Clara de Tordesillas, à Valladolid, ou les 25 fragments des navires de l’Invincible Armada, coulée en 1588 dans les eaux de la Manche, prêtés pour la première fois par le Musée de Belfast. Chaque moment, chaque épisode est illustré par une œuvre d’art, créée en son temps avec une intention précise et dont la signification profonde échappe aux hommes d’aujourd’hui.
Personnage ambivalent
L’exposition entend battre en brèche la sombre légende colportée par de médiocres historiens, qui s’est nourrie de ce personnage ambivalent. Car, à l’évidence, Philippe II a été, en plus d’un bon roi et d’un grand stratège, un homme cultivé, curieux, éduqué selon les préceptes de la Renaissance. Son vif intérêt pour l’art et les progrès scientifiques a fait de lui un humaniste, dont la plus grande passion était l’architecture et le passe-temps favori le jardinage. Attaché à sa famille, il était aussi doté d’une personnalité qui permettra à son père, le tout-puissant Charles Quint, de remettre en toute confiance entre ses mains le gouvernement du plus grand empire du monde. Au Musée du Prado, à l’automne, “Philippe II, prince de la Renaissance” offrira un large aperçu de l’action du roi en tant que mécène et collectionneur, de ses préférences artistiques et de sa formation. Les œuvres d’art réalisées pour lui, celles dont il a hérité ou qu’il a acquises au cours de sa longue existence y seront rassemblées. Tandis qu’à Valladolid, ville natale de Philippe II, “Les terres et les hommes du Roi” passera en revue l’immensité et la diversité des territoires regroupés sous sa couronne, les hommes d’influence et les idées qui y régnaient, ainsi que les goûts artistiques, les croyances et les livres écrits en ces temps féconds.
PHILIPPE II, UN MONARQUE ET SON ÉPOQUE, jusqu’au 10 octobre, monastère royal de San Lorenzo, L’Escurial (Madrid), tél. 34 1 902 488 488.
PHILIPPE II, PRINCE DE LA RENAISSANCE, 16 octobre-10 janvier 1999, Musée du Prado, Madrid, tél. 34 1 330 28 00.
LES TERRES ET LES HOMMES DU ROI, 22 octobre-10 janvier 1999, Musée de la sculpture et palais de Villena, Valladolid.
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Le roi aux deux visages
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Le roi aux deux visages