Le Musée des beaux-arts de Rouen réunit dix-sept Cathédrales de la série peinte dans cette ville par Claude Monet entre 1892 et 1893. L’ouverture de cette exposition coïncide avec l’achèvement de la rénovation du musée.
ROUEN - Au moment où le Grand Palais à Paris attire le public vers les origines de l’impressionnisme, le Musée des beaux-arts de Rouen s’attache à un autre aspect de la révolution picturale menée par Claude Monet, le travail par séries. Après avoir peint des toiles isolées, aux sujets différents, Monet se lance à partir de 1889 dans une production prolifique, où il se concentre sur le développement d’un seul motif à travers de multiples variations. S’enchaînent ainsi les paysages de La vallée de la Creuse, les Meules, les Peupliers, les Cathédrales, les Falaises de Normandie, les Matinées sur la Seine, les vues de la Tamise et Les bassins aux nymphéas.
L’artiste veut porter au paroxysme le credo impressionniste : rendre à travers un ensemble de tableaux les multiples variations de la lumière au fil du jour, les changements du climat, grâce à une utilisation de la couleur dépassant les limites traditionnelles. Le dessin est réduit à sa plus simple expression, seule compte, au moyen de la couleur, l’analyse de la lumière sur la forme. L’exercice méthodique est mené à grande échelle, comme une obsession. Entre 1892 et 1893, Monet peint une trentaine de Cathédrales de Rouen.
Pour travailler, il loue tout d’abord un appartement en face de la cathédrale, puis installe son atelier dans la boutique d’un marchand de tissus, qui, elle, ne fait plus face directement à l’édifice gothique. La tâche tourne au cauchemar. Un jour Monet se déclare satisfait, le lendemain il avoue avoir transformé ou détruit les toiles peintes. Chaque jour il découvre des "choses non vues la veille". Il se plaint "d’ajouter et de perdre certaines choses", de vouloir "trop bien faire" et "d’abîmer". "Je suis rompu, je n’en peux plus, et, ce qui ne m’arrive jamais, j’ai eu une nuit remplie de cauchemars : la cathédrale me tombait dessus, elle semblait ou bleue, ou rose ou jaune", écrit-il.
Rendre la vie à un monument de pierres, grâce à une série, lui pose beaucoup plus de difficultés que traiter un paysage. Néanmoins, l’artiste ne se décourage pas, sûr d’avoir entrepris un travail "d’un bien grand intérêt". Le 10 mai 1895 s’ouvre chez Durand-Ruel une exposition réunissant vingt versions des Cathédrales que Clémenceau salue comme une "ultime perfection d’art, jusqu’ici non atteinte".
Le tableau isolé
Le retour de dix-sept Cathédrales dans la ville où elles naquirent, alors qu’elles sont aujourd’hui dispersées à travers le monde, est un événement. Car, sans doute encore plus pour ce motif que pour les paysages, un élément d’une série, isolé de son groupe, perd largement de son intérêt. Exposer plusieurs versions rend compte de l’essentiel, la démarche de Monet, comme l’avait prouvé une exposition en 1990 à Londres et Boston sur l’ensemble des séries.
L’ouverture de l’exposition coïncide avec l’achèvement de la rénovation du Musée des beaux-arts de Rouen, commencée en 1987. Sur 8 000 m2, le musée dispose dorénavant de 64 salles pour présenter ses collections allant du XVe siècle à nos jours, ainsi que d’espaces pour des expositions temporaires et un jardin de sculptures.
"Les Cathédrales de Monet", Musée des beaux-arts de Rouen, 23 juin- 14?novembre. Réservations possibles dans les magasins FNAC. En plus du catalogue édité par la Ville de Rouen (120 p., 120 F), Flammarion a publié en 1990, à l’occasion de l’exposition consacrée aux séries de Monet, "Monet, le triomphe de la lumière" de Paul Hayes Tucker.
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Le retour des Cathédrales de Monet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Le retour des Cathédrales de Monet