Au Castello di Rivoli, une équipe de commissaires prestigieux signe la première exposition dans la Manica Lunga, une spectaculaire galerie du XVIIe siècle, longue de 140 mètres. En remontant jusqu’aux innovations duchampiennes et à la révolution futuriste, « Quotidiana » explore le concept de quotidienneté dans l’art du XXe siècle.
RIVOLI - La Manica Lunga, sauvée d’un projet immobilier destructeur et aujourd’hui restaurée, est inaugurée par une exposition ambitieuse, organisée par une équipe prestigieuse de commissaires internationaux. Ida Gianelli et Giorgio Verzotti, respectivement directrice et conservateur de l’institution, David Ross, Nicholas Serota et Jonathan Watkins, directeurs du San Francisco Museum of Art, de la Tate Gallery de Londres et de la Ikon Gallery de Birmingham, ont travaillé sur le thème du quotidien dans l’art du XXe siècle. Un exercice de style délicat dont ils se tirent avec brio, évitant l’écueil de la rétrospective chronologique et osant les rapprochements entre des œuvres d’écoles et d’époques différentes : Picasso et Braque aux côtés d’Edward Hopper, des Natures mortes de Giorgio Morandi, exécutées entre 1938 et 1958, avec des photographies de Wolfgang Tillmans, le Portrait de Sophie Popoff (1906) de Boccioni confronté aux images d’un réalisme douloureux de la famille de Richard Billingham, ou encore le Porte-bouteilles de Marcel Duchamp (1914) près d’une paire d’urinoirs signés Robert Gober (1987).
Deux cents œuvres de soixante-douze artistes sont réparties entre la Manica Lunga et la Casa del Conte Verde, une résidence du XVe siècle dans le centre ville. Celle-ci accueille deux cents photographies d’objets appartenant à un inconnu d’Oxford réalisées par Christian Boltanski, au milieu desquelles trône une toile de Teomondo Scrofalo, grand peintre du dimanche devant l’éternel. Quand le kitsch entre dans la contemporanéité...
La révolution formelle et politique de Malevitch et d’El Lissitzky avec la composition Proun, un Balla de 1904, une œuvre de Kurt Schwitters constituent l’introduction d’un parcours qui va de l’utopie avant-gardiste au regard des créateurs actuels. Ces derniers sont bien représentés : Nan Goldin, Fischli & Weiss, ou encore les photographes Maria Hedlund, Sam Taylor-Wood, Hannah Starkey, Sarah Jones, Thomas Struth et Gillian Wearing. Le cœur de l’exposition bat dans l’immense galerie restaurée qui aurait abrité la pinacothèque du roi Charles Emmanuel Ier, où les œuvres rythment l’espace. Un rat géant de Katharina Fritsch accueille le visiteur dans la section consacrée à l’individu. Plus loin, la structure en verre de Dan Graham, Rivoli Gate Pavillion, récemment créée, reflète et multiplie l’environnement à l’envi. De la Grande casserole de moules de Marcel Broodthaers à l’installation de chocolats Baci de Felix Gonzales-Torres, en passant par les paquets de lessive Brillo d’Andy Warhol, tous les objets familiers sont au rendez-vous. Le temps qui passe s’inscrit dans les œuvres d’On Kawara égrenant les dates et les années, ou encore dans la vidéo de Grazia Toderi qui montre un arrosoir se déversant sans jamais être vide.
Et David Ross de conclure : “S’il y a un message dans cette exposition, c’est que nous devons vivre nos vies de la meilleure façon possible, et que l’œuvre d’art est une force, une source d’énergie que nous utilisons pour mieux comprendre ce qui nous arrive chaque jour, et donc le sens de notre vie”.
- Quotidiana. Images de la vie quotidienne dans l’art du XXe siècle, jusqu’au 21 mai, Musée d’art contemporain, Castello di Rivoli, piazza Mafalda di Savoia, Rivoli (Turin), tél. 39 011 956 52 22, tlj sauf lundi 10h-17h, samedi et dimanche 10h-19h, premier et troisième samedi du mois 10h-22h.
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Le quotidien fait art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Le quotidien fait art