Le puzzle Lambert Sustris

Ce beau peintre de la Renaissance est en effet aussi original que méconnu. Du grand public, évidemment, mais aussi des spécialistes qui ne savent que fort peu de choses sur lui. D'ailleurs, aucune grande exposition ne lui a auparavant été consacrée, ni de catalogue raisonné. On ignore ainsi presque tout sur la datation de ses œuvres et leurs conditions d’exécution, à l’exception du Baptême du Christ. Seul tableau daté et dont on connaît avec certitude le contexte de la commande et le lieu de réalisation, il fait figure de carbone 14 de sa production. Chef-d’œuvre du musée depuis sa fondation, il jouit en outre d’un remarquable pédigree puisqu’il a appartenu au duc de Richelieu, qui l’a cédé à Louis XIV pour éponger ses dettes de jeu.

Cette superbe toile a logiquement été le point de départ de l’enquête menée par Benjamin Couilleaux, conservateur au Musée Carnavalet qui prépare une thèse sur le peintre. Ce tableau est accompagné de douze autres afin de recomposer le passionnant puzzle que constitue sa carrière. Treize œuvres, c’est certes peu, mais cela représente tout de même un quart de son travail authentifié. Audacieuse, cette exposition fait le pari de mettre en lumière un artiste relativement confidentiel et une histoire de l’art en cours d’écriture. À l’heure où de nombreux musées recyclent paresseusement des valeurs sûres dans des expositions qui font rarement progresser leurs disciplines, on ne peut qu’applaudir cette initiative.