Festival

Le Printemps de septembre, biennal et pluriel

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2016 - 722 mots

Retrouvant son calendrier automnal, la manifestation toulousaine renoue aussi avec ses fondamentaux autour d’une offre attrayante et mélangée.

TOULOUSE - Le film projeté au théâtre Garonne est phénoménal et constitue pour les amateurs de musique afrobeat, et sans doute pour les autres aussi, une entrée en matière rythmée et réjouissante à la nouvelle édition du Printemps de septembre, à Toulouse. Avec la rigueur extrême qu’on lui connaît, l’artiste canadien Stan Douglas a reconstitué le mythique studio new-yorkais de la Columbia Records des années 1970, afin de servir de décor à son film Luanda-Kinshasa (2013). Parti à la recherche des racines africaines de la musique occidentale, il met en scène un enregistrement fictif au cours duquel les musiciens improvisent avec force métissages, tandis que l’artiste s’est livré à un ingénieux travail de montage afin de multiplier les variations musicales. Ambiance garantie.

« Un festival territorial »

Le Printemps de septembre est de retour… en septembre ! Fini le Festival international d’art de Toulouse qui s’était déplacé en mai et avait offert des expositions de qualité certes, mais manquant d’inscription locale. Devenu son chef d’orchestre, et s’entourant pour cela de plusieurs commissaires invités, Christian Bernard a souhaité retrouver le calendrier automnal et redonner à la manifestation une identité toulousaine : « L’ambition était de refaire un festival territorial dans le sens où se mêlent des projets qui, mis ensemble, composent une manifestation festive, afin de s’adresser au public régional et de ne pas simplement faire se déplacer les VIP du monde de l’art », assène-t-il.

Avec plusieurs propositions à caractère musical, le pari est tenu. Outre Stan Douglas, Ragnar Kjartansson présente au théâtre Garonne son installation polyphonique The Visitors (2012), soit neuf écrans dispersés dans différentes salles et dont chacun diffuse l’image d’un protagoniste différent, lequel, pendant près d’une heure, interprète une même mélodie.

À l’Institut supérieur des arts de Toulouse, c’est le toujours facétieux David Shrigley qui a pris possession des lieux en y installant un studio d’enregistrement ouvert à des groupes de musiciens, venus de loin ou régionaux ; il y a dessiné tous les instruments, tandis qu’une scène a pris place dans la cour.

Tout néanmoins n’est pas d’un intérêt égal dans cet ensemble, comme en témoigne la prestation d’Eva Kotatkova à l’Hôtel-Dieu. Indépendamment de toute allusion à la disposition circulaire de son installation, son travail semble désormais tourner en rond ; si la problématique de la pression exercée sur les corps, de leur enfermement et de leur fragmentation, a pu engendrer par le passé des œuvres fortes, elle fait désormais bâiller faute de renouveau. De même que l’installation de Hans Op de Beeck, présentée dans la chapelle du couvent des Jacobins, tout iconique et immersive qu’elle soit. Si ce chemin sinueux qui s’enfonce dans des étendues de terre évoquant le désert et les campements bédouins traduit le décalage entre la vraisemblance et le factice, il souffre d’un aspect bien trop lissé, presque chic, qui en brouille la finalité.

Migrations, hybridations
Aux Abattoirs, c’est une confrontation réussie entre les œuvres d’Aurélien Froment et de Raphaël Zarka, à l’initiative de l’ancien directeur des lieux, Olivier Michelon, qui tient largement la distance en se déployant dans le musée. La diversité de leurs langages apparaît redoutablement complémentaire. Les deux artistes s’accordent en outre sur une attention constante portée à des détails qui, mis bout à bout, recomposent quelque chose de notre contemporanéité multifocale.

Mais l’intitulé générique « Dans la pluralité des mondes » trouve son accomplissement dans un ensemble de propositions traitant finalement, même si ce n’est jamais formulé de la sorte, d’impensés et de recoins cachés de l’histoire de l’art. Quand Vincent Meessen, à l’Espace Écureuil, revient sur le passé colonial belge en s’intéressant à un membre congolais méconnu de l’Internationale situationniste. Ou dans l’exposition « Résonances : second mouvement » visible à l’Espace Croix-Baragnon : la commissaire Christine Eyene y aborde, au travers des figures de John Cage, de Madeleine Mbida et de Satch Hoyt, la migration des sonorités et les croisements avec le monde occidental. Des déplacements, mélanges et influences qui, hier comme aujourd’hui, ont façonné un monde… pluriel.

Le Printemps de septembre

Directeur : Christian Bernard, ancien directeur du Mamco (Musée d’art moderne et contemporain) à Genève
Nombre de lieux : 26
Nombre d’artistes : 136
Nombre de projets : 20 expositions et 100 rendez-vous (projections, performances, concerts, visites détournées ou fictionnelles…)

Le printemps de septembre. Dans la pluralité des mondes

jusqu’au 23 octobre, lieux divers, tél. 05 61 51 17 44, www.printempsdeseptembre.com, tlj sauf lundi-mardi 12h-20h, samedi 12h-minuit, entrée libre.

Légende Photo :
Hans Op de Beeck, The Garden of Whispers, 2016, installation dans l'église des Jacobins, dans le cadre du Printemps de septembre, Toulouse. © Photo : Studio Hans Op De Beeck.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Le Printemps de septembre, biennal et pluriel

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