Histoire

Europe

Le Portugal conquérant

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2007 - 680 mots

Dans le cadre du festival Europalia, le Palais des beaux-arts de Bruxelles rappelle l’extrême richesse de l’empire commercial portugais.

BRUXELLES - Modeste territoire coincé entre l’hostile Espagne et le vaste océan Atlantique, le Portugal a réussi à se bâtir un empire en partant à la conquête des mers. Mais, contrairement aux empires coloniaux britanniques ou français qui imposaient us, coutumes, langue, systèmes politique et administratif aux pays conquis, l’aventure lusitanienne a consisté principalement en l’établissement de comptoirs commerciaux à l’étranger. Dès le XVIe siècle, la mainmise portugaise s’étend du Brésil à l’Asie, en passant par l’Afrique. « Autour du globe », présentée au Palais des beaux-arts de Bruxelles, reconstitue cette épopée maritime au travers d’objets témoignant de la richesse des échanges artistiques et de la fascination mutuelle entre l’Europe et ces contrées « exotiques ».
Présidence européenne du Portugal oblige, le Palais des beaux-arts se devait de rendre hommage à la contrée lusitanienne dans le cadre du festival bisannuel Europalia. Or c’est une exposition clés en main qu’accueille le musée bruxellois. Organisée par Jay A. Levenson, directeur du programme international du Museum of Modern Art, à New York, « Autour du globe » a obtenu cet été un franc succès à l’Arthur M. Sackler Gallery, à Washington. Le commissaire rappelle à juste titre, avec cet événement, qu’aux États-Unis la fondation du pays, à la suite de la découverte du continent nord-américain par Christophe Colomb, a largement éclipsé de la mémoire collective l’expansion portugaise. Gageons que le public européen découvrira à son tour l’impressionnante campagne navale des explorateurs, qui, après la conquête des ports stratégiques et le déploiement de bases fortifiées, contrôlaient les routes maritimes de l’océan Indien. L’or, les épices et les esclaves formaient le gros du trafic de ces commerçants établis d’abord le long des côtes de l’Afrique occidentale, puis en Inde, en Chine et enfin au Japon. Le parcours de l’exposition aborde en six chapitres géographiques cette progression aux confins du globe, soutenue par la curiosité croissante des puissants Européens pour les découvertes en tout genre – territoires, produits ou animaux exotiques.

Évocations de l’esclavage
L’échange des savoir-faire artistiques est à l’origine des plus beaux objets présentés ici. Les salières, ciboires et autres cuillers en ivoire sculpté attestent la virtuosité sidérante des artisans du royaume de Bénin et de la Sierra Leone. Les coffrets en argent filigrané, spécialité des artisans de Goa, rivalisent de beauté avec ceux en ivoire incrusté d’or, de rubis et de saphirs produits par les ateliers sri-lankais. Corne de rhinocéros, écaille de tortue ou œuf d’autruche transformés en objet luxueux par les artisans européens assurent le prestige des cabinets de curiosités faisant fureur dans les cours de Vienne, Dresde ou Moscou. Le prosélytisme jésuite fait également partie intégrante de la présence portugaise en Chine et au Japon, et l’iconographie locale se retrouve dans les productions d’objets religieux. Les Vierges à l’Enfant en ivoire prennent des allures bouddhiques en Chine, Marie arbore un large front bombé dans un retable japonais, et les autels portatifs et autres oratoires de Goa présentent le même faste que les palais indiens.
Lorsqu’en 1580 le Portugal est déchu de sa souveraineté par l’Espagne, une occupation qui durera soixante ans, l’empire s’essouffle peu à peu. Les flottes britanniques et néerlandaises en profitent pour reconquérir nombre de places fortes. La colonie portugaise établie au Brésil demeure cependant puissante, en raison de la culture de la canne à sucre et de l’enrôlement massif d’esclaves indigènes et africains. Le recours à l’esclavage fait l’objet de plusieurs digressions dans l’exposition, à l’image de piqûres de rappel intervenant le long du parcours. Des artistes contemporains ont ainsi été invités à poser un regard sur le coût humain de ces prestigieuses conquêtes. Une réflexion offrant un parallèle avec la mondialisation contemporaine aurait été la bienvenue, mais ce n’est pas le propos qui a été choisi.

AUTOUR DU GLOBE, LE PORTUGAL DANS LE MONDE AUX XVIe ET XVIIe SIÈCLES

Jusqu’au 3 février 2008, Palais des beaux-arts, 10, rue Royale, Bruxelles, tél. 32 25 07 82 00, tlj 10h-18h, 10h-21h le jeudi, www.bozar.be. Catalogue édité par le musée en collaboration avec le Fonds Mercator, 360 pages, 35 euros, ISBN 978-90-6153-783-0.

AUTOUR DU GLOBE

- Commissaire : Jay A. Levenson, directeur de l’International Program du Museum of Modern Art, New York - Nombre d’œuvres : plus de 180

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°269 du 16 novembre 2007, avec le titre suivant : Le Portugal conquérant

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