Assassiné par les franquistes en 1936, Federico Garcia Lorca aurait eu cent ans cette année. Cet anniversaire est prétexte à de nombreuses manifestations dans toute l’Espagne, où il reste le plus populaire des poètes. La principale exposition, à Madrid, s’efforce de dénouer les fils d’une personnalité complexe, ouverte à toutes les expériences.
MADRID (de notre correspondante). La fascination qu’a exercée sa personnalité n’a cessé de croître avec le temps. Le personnage et le mythe de Lorca sont toujours matière à débattre, écrire et jouer, cent ans après la naissance de Federico, comme continuent de l’appeler ses fidèles lecteurs et admirateurs. Parmi la douzaine d’expositions du centenaire se détache celle du Centre d’Art Reina Sofía, à Madrid, qui se propose d’éclairer la personnalité aussi bien publique que privée du poète. Estrella de Diego, Fernando Huici et Juan Pérez de Ayala, tous trois membres du comité scientifique, nous ont expliqué leur ambition. “Nous avons conçu l’exposition autour de l’environnement, du monde et de l’époque du poète, et nous l’avons construite avec l’idée d’un récit à différents niveaux de lecture. On pourra la parcourir de manière synthétique, ou bien de façon plus détaillée et plus minutieuse, comme un album de famille. Toutes les catégories de spectateurs, de l’érudit au simple curieux, doivent pouvoir y trouver ce qu’elles recherchent sur Lorca. Tous les témoins directs de cette époque parlent d’un personnage fascinant qui, dans tout ce qu’il aborde, va au-delà du simple amateurisme. Nous recréons tout cet univers qui touche à Lorca, les influences qu’il reçoit et qu’il engendre. Et c’est aussi le portrait d’une époque.” La première partie est consacrée aux “Villes” qui ont marqué Federico lors de ses nombreux voyages. On y voit la Plaine de Grenade, l’arrivée à Madrid et ses relations avec le foyer d’avant-garde de la Résidence des étudiants, New York, un mythe qu’il réécrit et renforce par sa visite, La Havane... Un déploiement d’images originales d’époque – tableaux, photographies, films... – reproduit pour le spectateur d’aujourd’hui le cabaret de Harlem que fréquentait Federico, l’usine Chrysler telle qu’il l’a vue, les fêtes madrilènes... Aux villes, succèdent les “Personnages”, symbolisant l’éclectisme du poète, curieux de musique avec Falla ou de peinture avec Dalí... Puis vient “Le succès”, avec le théâtre de la maturité, le voyage à Buenos Aires, La Barraca... Le Lorca d’avant-garde, cosmopolite, et le Lorca populaire. La dualité et les contradictions du personnage, toujours présentes en lui, s’accroissent avec la célébrité. Dans la dernière partie “est exposé le monde privé de Federico. Celui de ses fascinations intimes et de ses relations les plus proches. Ses dessins, ses mains coupées, ses marins, ses clowns, saint Sébastien... Toute son iconographie de la mélancolie, qui a tant à voir avec l’imaginaire surréaliste le plus classique, et que cette exposition relie à nouveau avec l’œuvre d’autres artistes de l’avant-garde internationale”. L’exposition se termine sur un épilogue consacré au “Lorca posthume”, ou la diffusion internationale du mythe. On y évoque l’écho que sa mort et la publication posthume de la plus grande partie de son œuvre, dans les années quarante, ont eu dans le monde entier.
GARCIA LORCA : PHOTOGRAPHIES, jusqu’au 21 septembre, Centre d’art Reina SofÁa, Santa Isabel 52, Madrid, tél. 34 1 467 50 62, tlj sauf mardi 10h-21h, dimanche 10h-14h30.
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Le poète martyr
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Le poète martyr