Après Sébastien Stosskopf l’an dernier, Strasbourg rend aujourd’hui hommage à un autre Alsacien du XVIIe siècle : Johann Wilhelm Baur. À travers 80 dessins, gravures et miniatures, apparaît un artiste singulier, célèbre à Rome et à Vienne, qui avait joué un rôle important dans la diffusion des modèles italiens.
STRASBOURG - Dessin, gravure, miniature : Johann Wilhelm Baur a privilégié des modes d’expression fragiles et discrets et, de ce fait, n’est guère visible dans les musées. L’exposition de Strasbourg n’en a que plus de prix. Bénéficiant de prêts du Louvre, de Vaduz et de collections privées, et avec son propre fonds, la cité alsacienne a réuni quelque 80 œuvres de Baur et de certains de ses contemporains dont il s’est volontiers inspiré. Il avait sombré, depuis le XIXe siècle, dans un relatif oubli, alors qu’en son temps et jusqu’à la Révolution, il avait été particulièrement recherché et bénéficiait d’une considération accordée seulement à des grands maîtres comme Dürer.
Né à Strasbourg, il y a reçu l’enseignement du miniaturiste et graveur Friedrich Brentel, avant de se rendre à Stuttgart, puis en Italie. En 1630, il arrive à Rome, où règne le pape Urbain VIII. Grâce au souverain pontife, relayé par l’aristocratie et les ecclésiastiques, le mécénat connaît alors son âge d’or. Baur ne tarde pas à s’attirer quelques protections prestigieuses parmi les grandes familles romaines, Orsini, Colonna, Borghèse et autres Farnèse. Le futur cardinal Mazarin lui-même s’intéresse au jeune Alsacien. Paysages, marines, scènes anecdotiques voire mythologiques, le talent de Baur était suffisamment varié pour séduire une large clientèle d’amateurs. Ceux-ci s’arrachaient ses miniatures d’inspiration flamande, baignant dans une atmosphère limpide. De l’art du Nord, Baur avait aussi hérité le goût des “microcosmes”, dans lesquels des centaines de figures – tout un monde – fourmillent sur des feuilles de format réduit : dans sa Tour de Babel, dont Bruegel avait donné le modèle inégalé, il exploite un sujet propice à ces débordements de personnages et d’anecdotes. La découverte de Johann Wilhelm Baur ouvre de nouvelles perspectives sur l’art du XVIIe siècle, et montre qu’à côté des maîtres du grand décor peint existait un courant plus intime, souvent admiré par les mêmes collectionneurs.
La diffusion du baroque
En 1637, Baur rejoint Vienne, et gagne rapidement les faveurs de la cour. “À l’image du succès de Baur en Italie généré par l’engouement dominant des collectionneurs napolitains et romains pour l’art septentrional, celui qu’il connaissait à Vienne profitait du puissant intérêt ambiant pour l’art italien dans toutes ses formes”, écrit Régine Bonnefoit, biographe de l’artiste. C’est le sens du sous-titre donné à l’exposition. Ses gravures, et notamment les planches des Métamorphoses d’Ovide, véritable manifeste d’italianisme, ont joué un rôle majeur dans la diffusion du Baroque dans la sphère germanique. Ainsi, des peintres comme Schönfeld utiliseront certaines de ses estampes comme modèles à leurs grandes fresques décoratives.
JOHANN WILHELM BAUR (1607-1642), Maniérisme et baroque en Europe, jusqu’au 7 juin, Palais Rohan, galerie Robert Heitz, 2 place du château, 67000 Strasbourg, tél. 03 88 52 50 00, tlj sauf mardi 10h-12h et 13h30-18h, dimanche 10h-17h. Catalogue, éd. Musées de Strasbourg/Adam Biro, 190 p, 295 F.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le petit monde de Baur
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Le petit monde de Baur