C’est l’histoire d’une longue complicité artistique que raconte le musée troyen. Elle débute en 1964 entre l’artiste Marc Chagall et la lissière Yvette Cauquil-Prince. Quand celle-ci réalise sur sa propre initiative la tapisserie de La Famille d’arlequins (1966) d’après une lithographie du peintre, Chagall est séduit. Il ne fera plus appel qu’à ce maître d’œuvre pour toute réalisation, exception faite de quelques commandes sorties de la Manufacture des Gobelins.
L’exposition présente seize œuvres tissées, issues principalement de collections privées, et notamment de la famille Cauquil-Hecq. Cette sélection resserrée, mise en regard des lithographies et dessins préparatoires de l’artiste, permet d’apprécier le travail de traduction de l’œuvre peinte, gravée ou dessinée. « Ma mère s’éloignait résolument de l’œuvre pour la restituer et l’adapter à la technique tapissière, l’une des rares que Marc Chagall ne maîtrisait pas », raconte Darius Cauquil-Hecq. C’est particulièrement éclatant dans la tapisserie de La Paix (1993), qui a fait le voyage depuis le Musée du Pays de Sarrebourg. Réalisée à partir d’un projet de vitrail destiné à l’Onu, Yvette Cauquil-Prince a réussi à conserver toute sa luminosité et sa vibration dans sa transposition en fils de laine, grâce à un minutieux choix de teintes et aux différentes épaisseurs de trames. La lissière n’hésite pas à déployer sur son métier l’univers du peintre, l’augmente parfois dans sa transposition monumentale, comme dans l’œuvre tissée À ma femme (1994), accentuant le rouge du dais, du lit et de l’ange et faisant ainsi émerger l’arrière-plan sans trahir l’œuvre. En véritable maître d’œuvre à la tête d’une dizaine de collaborateurs, elle mit au point la technique du carton photographique pour écrire sa « transmutation », disait-elle, conçue comme une partition de musique à suivre méticuleusement. Sur une photographie noir et blanc de l’œuvre mise à l’échelle de la future tapisserie, elle traçait avec précision les contours des couleurs, repérées grâce à un système complexe de numérotation. Deux exemplaires impressionnants sont présentés dans l’exposition.
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Le peintre et la lissière
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Abonnez-vous dès 1 €Musée d’art moderne, 14, place Saint-Pierre, Troyes (10), www.musees-troyes.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : Le peintre et la lissière