TOULOUSE
Le musée toulousain présente un parcours expliquant aussi bien les mécanismes physiques et biologiques de la momification que les aspects anthropologiques et éthiques.
Toulouse. L’entrée dans l’exposition est sombre donnant l’impression de pénétrer dans une crypte. Mais cette mise en scène n’annonce pas une immersion dans un parcours lugubre, elle invite plutôt à prendre la distance nécessaire avec le sujet traité par le Muséum de Toulouse. Les momies ne font pas ici l’objet d’une scénographie sensationnelle et, dès le début de l’exposition, les précautions sont prises : le parcours propose une proximité avec les corps préservés que seul le visiteur peut déclencher en appuyant sur l’interrupteur d’une vitre sans tain pour les apercevoir.
Cette initiative évitera quelques cauchemars à certains, mais elle rend surtout aux momies leur statut de dépouilles, plutôt que de simples objets de collection. Les enjeux éthiques qui entourent l’exposition et la présence de corps humains dans les collections de musées sont d’ailleurs abordés brièvement en fin d’exposition, et l’on sent leur présence à travers les choix des conservateurs des lieux. Les momies sont rentrées dans les collections du Muséum de Toulouse en tant que « matière bitumineuse », sur les étagères du département de minéralogie. Cette histoire du traitement des momies en Europe est évoquée, par le brun momie, pigment utilisé par les peintres du XIXe siècle, ou une invitation à une séance de « débandelettage ».
Divisée en trois temps forts, l’exposition n’a pas besoin de recourir à cette pratique pour montrer l’intérieur des momies. Dans la première partie, consacrée aux momies créées artificiellement, l’utilisation de la tomographie – un procédé d’imagerie médicale – permet d’explorer l’intérieur des momies de manière non invasive. À travers des projections et des tablettes multimédia, le visiteur peut découvrir l’intérieur des dépouilles préservées. Une momie de chat égyptienne présente ainsi quelques surprises, assemblant les restes de plusieurs individus pour reconstituer un félin entier.
L’odorat est également sollicité. Des arômes « sculptés » par la société Asquali ponctuent le parcours. Dans l’introduction qui explique les bases biologiques et physiques des phénomènes survenant peu après la mort, un diffuseur permet de faire l’expérience de la putrescine, composé organique responsable de l’odeur de décomposition des corps. Plus agréable est l’odeur de sainteté – qui n’est pas qu’une expression –, ou celle des ingrédients de la momification égyptienne. L’utilisation de la médiation olfactive, tentée timidement dans d’autres musées, est ici bien présente et apporte une plus-value à l’exposition.
La seconde partie est consacrée aux momifications naturelles, donnant un ton plus « sciences naturelles » à l’exposition qui oscillait jusqu’ici entre anthropologie, histoire et science. Quelques exemples célèbres permettent de comprendre les différents processus de préservation naturelle des corps : le froid, la tourbe, ou même le simple contact avec un objet en bronze. Ainsi, « La main verte » du Muséum de Paris témoigne de ce phénomène, où l’obole en bronze placée dans la paume du défunt a permis de conserver les tissus. Autre objet exceptionnel, la patte d’un mammouth laineux témoigne des momifications par le froid. Elle est aussi l’occasion de s’interroger sur des enjeux éthiques et scientifiques : peut-on et doit-on ressusciter une espèce disparue ?
La dernière section, sur les « momies scientifiques », soulève aussi son lot de questions, notamment sur l’exposition et la conservation des corps. Du début à la fin, le parcours toulousain tient la promesse de traiter sérieusement le sujet des momies, tout en prenant la distance nécessaire pour ne pas le réduire à une simple curiosité scientifique.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Le muséum de Toulouse dissèque les momies