RAMBOUILLET
Enjeu diplomatique aux XVIIIe et XIXe siècles, le mérinos de Rambouillet fait l’objet d’une exposition originale aux Archives nationales.
Qui sait que les moutons de la ferme nationale de Rambouillet sont les descendants espagnols arrivés en 1786 ? L’exposition « La guerre des moutons » aux Archives nationales retrace l’histoire de ce troupeau au cœur d’une guerre d’influence européenne. Vu comme « un vecteur de progrès » en raison de son rendement financier et de la qualité de sa laine, le mérinos espagnol faisait des envieux au XVIIIe siècle, comme le rappellent les commissaires Pierre Cornu et Henri Pinoteau. Mais derrière le récit officiel du « don » espagnol à Louis XVI en 1786, les archives révèlent plutôt une opération de commando français pour réquisitionner près de trois cents moutons. L’élevage du mouton constituait déjà un secteur stratégique pour l’industrie textile depuis les réformes de Colbert, mais le mouton français produisait de la laine de qualité médiocre. Avec les mérinos de Rambouillet, c’est donc une opération politique qui se met en place juste avant la Révolution, dans l’idée de placer la France dans les premiers éleveurs et producteurs de laine. Le Comité de salut public sous la Terreur continue de promouvoir ces moutons, au point d’envoyer une seconde fois des hommes voler des bêtes en Espagne en 1793.
Sous Napoléon, le mérinos de Rambouillet devient un outil diplomatique, avec la création en 1811 de dizaines d’élevages dans l’Empire : le concurrent direct de la France est, à cette époque, l’Angleterre, ennemi juré de Napoléon. Catalogues d’échantillons de laine, gravures, peintures et traités d’élevage constituent alors autant d’éléments de propagande. Sous la Restauration puis le Second Empire, les croisements entre moutons donnent naissance à la race de « mérinos de Rambouillet » : les catalogues généalogiques de mérinos se multiplient, pour créer des pedigrees. La France présente alors ses mérinos dans les concours agricoles. Mais la décolonisation, la concurrence internationale et les élevages en Australie poussent la France à se repositionner sur le haut de gamme, avec l’aide de chercheurs en génétique des ovins. Entre-temps le troupeau aura accédé au statut de « trésor national », protégé des aléas politiques et des guerres : en 1870, 1914 et 1940, il sera systématiquement évacué et mis à l’abri.
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Le mouton mérinos, un élément de diplomatie d’influence
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°582 du 4 février 2022, avec le titre suivant : Le mouton mérinos, un élément de diplomatie d’influence