Le département des Peintures du Metropolitan concentre aujourd’hui son attention sur l’un de ses fonds les plus importants mais, paradoxalement, l’un des plus négligés : celui des maîtres flamands. Regroupant des œuvres habituellement dispersées ou inaccessibles, cette évocation fait appel à des techniques variées – peintures, dessins, tapisseries, livres imprimés et enluminés – pour dresser un panorama de l’art, de Van Eyck à Bruegel.
NEW YORK (de notre correspondant) - En temps ordinaire, l’amateur de primitifs flamands doit arpenter le Metropolitan et traverser tout New York pour satisfaire sa passion. Les œuvres ont été dispersées à travers le musée, à la demande expresse de certains donateurs – notamment Robert Lehman et Belle Linsky – qui souhaitaient voir présentée à part leur collection. Certaines pièces, dont le grand retable Merode, sont même conservées aux Cloisters, au nord-ouest de Manhattan.
Rassemblé pour quelques mois, le fonds flamand du Metropolitan dévoile ses points forts et livre quelques surprises. Si Joos van Cleve et Hans Memling y sont puissamment représentés – de ce dernier le musée possède notamment l’Annonciation Lehman, le Portrait d’un jeune Florentin, le Vieillard Altman et les portraits Portinari –, c’est Gerard David qui émerge réellement, se révélant comme un maître étonnamment avancé, monumental même à petite échelle, et dont le traitement des formes et de l’atmosphère évoque parfois Giovanni Bellini.
Pour compléter sa collection, le Metropolitan a emprunté quelques tableaux. Un portrait de Massys et son pendant exécuté par Memling ont été temporairement réunis. De même, le triptyque Bache de l’Adoration de Gerard David et son école va retrouver, le temps de l’exposition, les paysages boisés uniques qui ornaient le verso de ses volets. Ces panneaux avaient été détachés et vendus au Mauritshuis dans les années trente.
Des tapisseries, des pièces d’arts décoratifs, des livres imprimés, des enluminures et des dessins de la collection accompagnent les tableaux, créant un environnement infiniment plus riche et plus parlant que les galeries permanentes de peintures, généralement glaciales.
Moisson au clair de lune
Grâce à une campagne d’étude et de restauration, plusieurs découvertes ont été faites : une ravissante Madone, attribuée jusqu’ici à l’atelier de Gerard David, a été identifiée comme un rare panneau du maître Simon Bening, actif à Bruges dans la première moitié du XVIe siècle. Nettoyages et allègements ont métamorphosé un grand nombre d’œuvres. Les Moissonneurs de Bruegel, habilement traités par George Bisacca, au Metropolitan, ont été transfigurés par l’enlèvement d’un vernis synthétique déformant. Dégagé d’un cadre étriqué, le tableau a en outre révélé, dans son coin supérieur gauche, la lune des moissons.
De nombreuses peintures laissées en dépôt depuis des décennies ont retrouvé une jeunesse, notamment une superbe Mater dolorosa et un Ecce Homo par Isenbrandt, ainsi qu’un remarquable Jugement dernier de Joos van Cleve. Libéré de son vernis terni et jauni, c’est l’une des œuvres italianisantes les plus intéressantes du peintre anversois : il y abandonne la leçon de Léonard en faveur d’une inspiration raphaélienne.
Seul regret de ce rassemblement exceptionnel, une quarantaine de peintures “secondaires” ont été écartées de la présentation et du catalogue. Si la plupart sont des copies en mauvais état, plusieurs sont pourtant d’une importance considérable, tel ce grand tondo de Joseph interprétant les songes dans sa prison, issu d’une série de cinq panneaux, par un anonyme bruxellois des environs de 1500. À la liste des laissés-pour-compte, il faut également ajouter une Adoration des Mages achetée en 1871 sous l’identité du mythique Gerard van der Meire et peut-être due au Maître de Francfort, ainsi qu’une Tentation de saint Antoine par Pieter Huys, un imitateur de Bosch, et un portrait de Pieter Pourbus.
Jusqu’au 3 janvier, Metropolitan Museum of Art, 1000 Fifth Avenue, New York, tél. 1 212 879 5500, tlj sauf lundi 9h30-17h15, vendredi et samedi 9h30-21h.
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Le Met réunit ses Flamands
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : Le Met réunit ses Flamands