Le musée de Cassel révèle l’hétérogénéité du maniérisme flamand grâce à de nombreux prêts privés.
CASSEL - Le mot maniérisme évoque immédiatement l’Italie, les couleurs acidulées de Rosso Fiorentino et les torsions des corps peints par Bronzino. Pourtant, le terme s’applique également à tout un pan de la peinture flamande du XVIe siècle, avec plus ou moins de succès selon Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du Musée de Flandre. « Le maniérisme dans la peinture flamande n’a pas de contours précis, il ne se caractérise pas par une homogénéité comme on pourrait s’y attendre si on établissait une comparaison avec l’Italie ou l’école de Fontainebleau. Il revêt différentes formes selon les époques, les genres picturaux et les peintres », explique-t-elle. C’est cette complexité que la jolie exposition du musée de Cassel a choisi de mettre en avant, à travers un parcours thématique qui occupe tout le rez-de-chaussée de l’établissement. Une fois n’est pas coutume, les collections permanentes ont temporairement rejoint les réserves afin de dégager l’espace nécessaire aux œuvres prêtées. Ces prêts constituent l’un des intérêts majeurs de l’événement : provenant à 80 % de collections privées, certains tableaux sont inconnus du public ou n’ont pas été présentés depuis plusieurs dizaines d’années. C’est notamment le cas de la charmante Vierge Stroganoff conservée dans le coffre de son propriétaire depuis plus de soixante ans et qui dévoile aujourd’hui la douceur de ses lignes sinueuses. Ce choix de recourir à des collectionneurs privés permet de développer le propos autour de 90 œuvres, un nombre qu’il n’aurait pas été possible d’atteindre autrement d’après la commissaire. « Les musées sont de plus en plus frileux à l’idée de prêter des peintures sur bois à cause de leur grande fragilité », explique-t-elle.
Une appellation mal définie
Le long de cimaises, dont la couleur passe du gris à l’ocre et au bleu nuit selon les thèmes abordés, les tableaux exposés reflètent la grande diversité des productions regroupées sous la bannière maniériste et poussent à s’interroger sur les limites de l’appellation. Dès la fin du XVe siècle, alors que le terme n’est employé qu’à partir de 1520 pour l’Italie, une esthétique nouvelle apparaît dans certains tableaux flamands : ici le mouvement légèrement affecté d’une main, là une juxtaposition audacieuse de verts et de bleus, ailleurs l’exagération de la torsion d’un corps… Ces œuvres encore si proches de celles d’un Memling ou d’un Van der Weyden portent en germe les caractéristiques du maniérisme à venir. Et lorsque le mouvement s’impose réellement un peu plus tard, avec son élégance, ses effets théâtraux, sa préciosité et ses coloris froids, c’est sous des formes très diverses. L’exposition passe en revue quelques-unes d’entre elles : les scènes nocturnes, les paysages, le maniérisme dit « anversois » – terme aujourd’hui remis en cause mais qui permet d’aborder la production en série de triptyques de dévotion privée – ou celui des « romanistes », ces peintres flamands ayant effectué le voyage à Rome. Elle accorde également une importance particulière au peintre Pieter Coecke d’Alost, traducteur en néerlandais des traités de Vitruve et de Serlio, auquel est attribuée une Sainte Trinité que le musée de Cassel vient d’acquérir. Le tableau pourrait être le prototype ayant servi de modèle à un triptyque conservé au Bonnefantenmuseum de Maastricht. Autre attribution rendue possible grâce au travail de recherche mené pour l’exposition, un Paysage d’hiver avec une ferme fortifiée, jusqu’alors attribué à Jacob Grimmer et Gillis Mostaert, a aujourd’hui été rendu à Lucas Gassel. Quelques œuvres de Frans Floris et de Pieter Aertsen, grand précurseur des scènes de genre, sont également présentées à la fin de parcours, qui a le mérite de poser les questions qui s’imposent autour du terme aux contours si flous de maniérisme flamand.
Commissariat : Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du Musée départemental de Flandre/> Nombre d’œuvres : environ 90
Pieter Coecke d'Alost, La Sainte Trinité, huile sur bois, Musée départemental de Flandre, Cassel - © Photo Jacques Quecq d’Henripret.
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Le maniérisme flamand
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 29 septembre, Musée de Flandre, 26 Grand Place, 59670 Cassel, tel. 03 59 73 45 60, www.museedeflandre.cg59.fr, mardi-vendredi, 10h-12h30 et 14h-18h. Le samedi et le dimanche 10h-18h, fermé les lundis et jours fériés. Catalogue éditions Snoeck, 260 p., 39 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : Le maniérisme flamand