Qu’est-ce que le luxe ? Une cuillère en coquillage au manche d’argent, un fragment de velours du XVe siècle, un camée serti de marbre et d’onyx, un tapis mamelouk égyptien… Autant d’objets que réunit l’exposition thématique conçue pour le Louvre Abou Dhabi par Olivier Gabet, le directeur du Musée des arts décoratifs, proposant « une vision panoramique sur un phénomène plurimillénaire », envisagé de la préhistoire à nos jours.
Ou plus exactement : depuis les perles qui marquent « une forme ancestrale » du luxe sur le territoire des Émirats arabes unis jusqu’à la flamboyance de deux fleurons français que sont la haute couture et la joaillerie. Au commencement, donc, le luxe est affaire de préciosité des matériaux, symboliquement associé à la richesse, et par extension, au pouvoir. De la parure au mobilier, du minuscule au monumental, le parcours, à défaut de marqueurs chronologiques précis, choisit de suivre les évolutions de ce concept fluctuant à travers celles de la société. Ainsi l’ouverture des voies maritimes, le développement du commerce et des échanges sont-ils en Europe à l’origine d’un goût pour les denrées exotiques, certaines comestibles, comme les épices, le café, le thé, dont la consommation donne lieu à un nouvel art de la table. Des habits de cour aux bibelots de porcelaine mis à la mode par les marchands merciers parisiens, d’un marqueur de classe à l’affirmation d’un mode de vie, le luxe traduit les valeurs de l’époque. Réservé à une élite bien née, avant de se retrouver dans les rayons des grands magasins, il se renouvelle en épousant l’avant-garde. Au point qu’il en vient à se confondre avec le style. Dépouillé, voire austère, tel cet ensemble de salle à manger en marqueterie de paille commandé par l’écrivain François Mauriac à Jean-Michel Frank. Ou fastueux, comme cette robe du soir brodée de sequins signée Elie Saab. Clôturant le parcours, The Hourglass, un sablier du designer Marc Newson, souligne la rareté de chaque instant en ouvrant à une réflexion métaphysique. Mais les millions de nanobilles d’acier qu’il égrène sont tout de même plaquées or.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Le luxe, toute une histoire