Après Duchamp et Rabelais, le Languedoc-Roussillon met son été à l’heure de Casanova. L’occasion pour une kyrielle d’artistes contemporains de rendre hommage à une figure libérée de toutes contraintes. Démonstration.
« Casanova un homme d’avenir », « un philosophe en action », déclarait un Philippe Sollers enfiévré dans son Casanova l’admirable (éditions Plon, 1998). « Casanova, premier artiste de la modernité », ajoute Emmanuel Latreille, commissaire général de la manifestation estivale. Le principe : un tuteur, et une trentaine d’expositions et événements arc-boutés audit tuteur, avec lequel une longue liste d’artistes dialogue tous azimuts.
Pour cette fois donc, ce sera Giacomo Casanova (1725-1798) qui fut, dit-on, tour à tour abbé, officier, violoniste, guérisseur, escroc, faux kabbaliste, vrai juriste, financier, astrologue, bibliothécaire, diplomate, joueur professionnel ou agent secret. De lui, le prince Charles-Joseph de Ligne (1735-1814), collègue de séduction, dira : « Sa prodigieuse imagination, la vivacité de son pays, ses voyages, tous les métiers qu’il a faits, sa fermeté dans l’absence de tous les biens moraux et physiques, en font un homme rare, précieux à rencontrer. »
Casanova transgresse quand Don Juan suit son désir
Casanova le conservateur tenté par les forces occultes, Casanova l’anticlérical, le franc-maçon, l’évadé, le libertin, le jouisseur sans contraintes, dont la postérité n’aura retenu que les exploits galants, les cent vingt-deux femmes aimées et listées dans ses célèbres Mémoires. « J’ai aimé les femmes à la folie, admet-il. Mais je leur ai toujours préféré ma liberté. » Et c’est bien d’elle qu’il est question avec « Casanova forever ».
Inutile d’y chercher des effets de citation directe. Si Paul-Armand Gette se laisse aller à quelque représentation de sexe féminin au fusain, ici, pas d’accumulation « de regards posés sur des corps nus ou des images liées au registre corporel », prévient le commissaire. Pas ou si peu de reprises littérales des éléments biographiques attendus, à l’exception peut-être d’un délicat jeu de détournement texte/image imaginé par Victor Burgin autour des frères Casanova, Giacomo le libertin et Francesco (1727-1803) le peintre. S’il est question ici et là de magie, de plaisir, de jeu, de désir, c’est bien davantage pour dire un Casanova en quête d’une pensée qui va travailler tout le Siècle des lumières : celle du bonheur.
Un bonheur tout neuf qui, s’il passe par l’accomplissement physique du plaisir et de la volupté, s’impose comme un devoir et une libération de l’individu. Casanova n’est pas Don Juan. L’un suit son désir, l’autre transgresse. Et si, dans l’exposition, il est si souvent fait allusion à sa spectaculaire évasion des Plombs à Venise, après que l’inquisition l’a enfermé pour offense aux bonnes mœurs, c’est d’abord pour prendre et faire acte de cette liberté. À Nîmes, Grout et Mazéas ne disent rien d’autre en mettant en scène un cascadeur traversant un décor.
Laurette Atrux-Tallau expose à Narbonne une installation toute de démesure, groupant six cents boules hérissées de longs pics noirs dans la chapelle des Pénitents bleus. Et Simone Decker moule de grandes formes colorées sur les sols, colonnes et murs du Carré Sainte-Anne à Montpellier avant de les disperser dans la ville. « Il y a là, souligne le commissaire, trois manières de parler de la sortie du monument et de l’espace religieux. » À l’image d’un Casanova, qui trouve les conditions de la joie : « Rien ne pourra faire que je ne me sois amusé. »
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Le Languedoc-Roussillon, sous le charme de Casanova
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : Le Languedoc-Roussillon, sous le charme de Casanova