Le langage des choses muettes

Dans la maison-atelier de l’artiste nichée dans un jardin peuplé de sculptures, aujourd’hui transformée en musée, les œuvres du sculpteur russe arrivé à Paris en 1909 racontent son âme tumultueuse et son attrait pour les arts extra-occidentaux, les dessins d’enfants, les traditions populaires. Elles dialoguent avec d’autres qui leur sont contemporaines (fauves, sauvages ou néo-primitivistes), célébrant le souffle vital dans un monde de progrès technique, mais aussi avec des pièces contemporaines puisant aux mêmes sources. Si le parcours est structuré en trois temps – le premier, autour du concept de « primitif », se prolonge avec deux chapitres axés sur des motifs essentiels au primitivisme, le corps et la demeure —, il arrive qu’on s’égare en passant des corps taillés dans le bois de Zadkine, des fleurs de Natalia Gontcharova, d’un nu de Chagall et des mouvements de danse de Rodin aux mystérieux visages de Marisa Merz ou aux sculptures de céramique, sable, cire et corde de Rebecca Digne. Mais peut-être est-ce précisément pour cela que le charme opère : il s’agit moins de penser intellectuellement l’âme primitive que de la ressentir. Sans qu’il y paraisse, le visiteur tisse dans sa déambulation de subtiles correspondances entre les œuvres, ces « longs échos qui de loin se confondent dans une ténébreuse et profonde unité » dont parle Baudelaire, pour nous enseigner « le langage des fleurs et des choses muettes ».