A la fin du XVIe siècle, Séville a vu naître deux peintres majeurs, Zurbarán et Vélasquez. Comme il ne pouvait être question d’organiser pour le second une rétrospective comparable à celle du premier en 1998, la cité andalouse a préféré insister sur les premières années de Vélasquez, celles de sa formation, et brosser ainsi un tableau de la vie artistique sévillane de l’époque. Alfredo Morales, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Séville, revient sur l’exposition « Séville et Vélasquez » dont il est le commissaire.
Quel est le propos de l’exposition ?
Vingt-quatre tableaux de Vélasquez ont été réunis, ainsi qu’une centaine de peintures, de sculptures et de documents qui se rapportent à ces œuvres. Ce sont celles de la première période de l’artiste, depuis ses débuts en 1617-18, jusqu’en 1623, date de son départ pour Madrid. Il s’agit d’offrir un panorama de la peinture sévillane du XVIe siècle au début du XVIIe, que Vélasquez a pu connaître grâce à l’enseignement de son beau-père, Francisco Pacheco. On y verra une série de portraits exécutés par des peintres nordiques, tel Pedro de Campaña, qui sont les précédents les plus immédiats à La Vieille aux œufs frits ou au portrait de Sœur Jerónima de la Fuente. Certains peintres s’étaient aussi formés en Italie, comme Luis de Vargas que Pacheco appelait le “grand-père de la peinture sévillane”. D’autres passent par Séville sur le chemin de l’Amérique, y laissant une œuvre et comme un aperçu des nouveautés italiennes, rapidement assimilées par Vélasquez avant même ses séjours en Italie ou sa découverte des collections royales. Séville était une grande capitale de l’art, un centre culturel fondamental.
Comment définiriez-vous l’école de Séville de cette époque ?
C’est une synthèse des influences flamandes et italiennes, qui s’agencent ici d’une façon particulière, avec une influence plus sensible des Flandres. Dans l’entourage du jeune Vélasquez, n’oublions pas les assemblées humanistes. Pacheco avait d’excellentes relations avec des poètes, des scientifiques de la Chambre de commerce, chargée des voyages en Amérique.
Une Séville laïque ?
La Contre-Réforme était passée, et la grande époque de l’humanisme “païen” commençait déjà à s’atténuer sous le poids des convenances. Pacheco était même “Voyer des Images au Tribunal de la Sainte Inquisition”. Certains pensent néanmoins que le cercle de scientifiques que Vélasquez connaissait à Séville l’a fait progresser dans ses représentations.
Que découvre-t-on sur Vélasquez dans cette exposition ?
Dès ses débuts, Vélasquez est à part, il est au-dessus des autres. Selon les mots d’Alberti, c’est un “oiseau solitaire”. Il plonge dans l’introspection et représente la réalité filtrée par son esprit. Il peint avec de moins en moins de matière : face à la peinture de son époque, qui recherche une surface très soignée, Vélasquez peint en quatre coups de pinceau. Le catalogue de son œuvre admet d’habitude une centaine de tableaux. Or, sur cette centaine, un quart est présenté à Séville !
Qu’en restera-t-il après ?
Les douze études d’experts constituant une partie du catalogue et le symposium, qui se tiendra du 8 au 11 novembre, sont la plus grande contribution à la connaissance de Vélasquez depuis 50 ans. Certaines informations nouvelles sont apparues, surtout à caractère personnel et familial, mais on ne sait toujours pas pour qui il peignait ses natures mortes... La restauration de nombreuses œuvres de ses prédécesseurs et contemporains, conservées la pénombre dans des églises de Séville sous des vernis noircis, est également à porter au crédit de cette exposition.
Jusqu’au 12 décembre, Centre andalou d’art contemporain, Monastère de la Cartuja, 2 av. Amerigo Vespucci, Séville, tél. 34 954 48 06 11, tlj 9h-23h, fermé le 17 novembre.
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Le jeune Vélasquez
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°91 du 22 octobre 1999, avec le titre suivant : Le jeune Vélasquez