La photographie permet depuis près de trente ans à Jochen Lempert d’indexer et d’exprimer ce qui le fascine et l’interpelle dans les végétaux ou chez les animaux.
Mais d’une manière toute personnelle. Biologiste de formation et ornithologue un temps, l’artiste allemand organise ses prélèvements visuels autant dans la nature qu’en ville ou dans un musée d’histoire naturelle. Un regard de tortue de face, une chenille sur une nuque, un tronc d’arbre esseulé sur un trottoir ou une feuille dénervurée dans la chambre noire au point de n’être plus qu’un aplat blanc : ses attentions portées à la nature, qu’elle soit sauvage, domestique ou urbaine, protégée ou menacée, forment un détonnant kaléidoscope d’images recadrées, retravaillées ou non au tirage. De l’ombre d’un vol de papillon, d’une simple roche ou d’un entrelacs de branches naît une poétique formelle dépouillée, énigmatique ou décalée. Jochen Lempert se joue des variations d’échelle pour faire émerger d’autres formes, d’autres analogies. Ses images, exclusivement en noir et blanc, réfutent toute catégorisation comme tout encadrement au mur. Après les expositions « Sudden Spring », au Bildmuseet d’Umeå en Suède, puis « Predicted Autumn », au Musée d’art contemporain de la Haute-Vienne au château de Rochechouart en 2018, Jochen Lempert compose au Crédac un nouveau jardin, un jardin d’hiver discret et enchanteur. La sélection que le photographe a menée à partir de ses archives se plaît à mélanger les éléments du monde vivant, les formats des images. Leur association aux murs ou dans des vitrines forme un cheminement enchanteur, parfois drôle, que l’on suit d’un pas léger.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Le jardin d’hiver de Lempert