ÎLE-DE-FRANCE
La marionnette contemporaine est une discipline artistique aussi exigeante que fascinante : mettre en scène de la matière, figurative comme abstraite, au service d’un récit.
Parmi les onze créations de la 19e édition du Festival MAR.T.O dédié aux arts de la marionnette et au théâtre d’objets, trois font particulièrement écho au champ des arts visuels. Vies de papier restitue l’aventure de Benoît Faivre, metteur en scène pour le théâtre d’objets, et Tommy Laszlo, plasticien, lorsqu’ils découvrent un album photo sur un marché de Bruxelles. À l’intérieur, des clichés noir et blanc leur livrent l’histoire énigmatique d’une femme née en Allemagne en 1933 qu’ils décident de retrouver. Mêlant documentaire et papiers découpés filmés en direct, cette création révèle une étonnante force dramaturgique de la photographie et du dessin. De dessin il est aussi question dans Noire,« roman graphique théâtral » du collectif F71, d’après l’histoire d’une jeune Noire américaine de 15 ans, Claudette Colvin, qui avait refusé de céder sa place dans le bus en 1955. La dessinatrice Charlotte Melly, qui collabore au fanzine Bien, Monsieur, lauréat du prix de la bande dessinée alternative au dernier Festival d’Angoulême, dessine et découpe décors et silhouettes en papier vidéoprojetés aux côtés du personnage bien réel qu’incarne Sophie Richelieu. Le choix d’un graphisme noir et blanc renvoie à la ségrégation et fait écho à la distinction entre fiction et réalité qui opère tout au long du spectacle. L’irruption de photographies d’archives amplifie d’autant plus ce contraste avec le dessin. Autre registre, celui de la peinture de Francisco Goya, et plus précisément du tableau The Great He-Goat (1863), source d’inspiration de la création du même nom de la compagnie belge Mossoux-Bonté. Le travail de la lumière est l’une des composantes fortes de cette mise en scène du duendeéclatant des peintures noires du peintre espagnol. D’étranges extensions conçues par la marionnettiste Natacha Belova accentuent la dimension fantasmagorique de ces véritables tableaux vivants.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Le flirt de la marionnette et des arts visuels