En 1911, l’archéologue Adolphe Reinach offre à la Ville de Lyon le matériel récolté sur le site de Coptos, en Haute-Égypte. Complétée par des prêts étrangers et des objets sortis des réserves, cette collection, présentée dans la première exposition archéologique du Musée des beaux-arts, restitue le double visage, religieux et commercial, de cette cité aujourd’hui disparue.
LYON - Fragment de vase au nom de Khéops, stèle d’Amenhotep II, buste d’Arsinoé II puis de Tibère, une première salle scande en quelques objets l’histoire millénaire de Coptos, jusqu’à l’époque chrétienne. De cette ville antique au bord du Nil, non loin de Louqsor, sur la route menant au wadi Hammamât et aux ports de la mer Rouge, il ne reste rien ou si peu. La collection égyptienne du Musée des beaux-arts, majoritairement composée d’objets provenant de ce site oublié, constitue de ce point de vue un témoignage inestimable. Les fouilles réalisées par Maspéro puis Petrie au XIXe siècle, mais surtout par Adolphe Reinach et Raymond Weill en 1910-1911, avaient confirmé l’existence d’un important centre religieux, doublé d’un carrefour commercial de premier plan, deux visages successivement abordés dans l’exposition organisée par Geneviève Galliano, conservateur au musée, et Marc Gabolde, égyptologue. Le parcours mène le visiteur du lieu le plus sacré, le temple de Min et Isis, aux ateliers de sculpture et de céramique, avant de le poursuivre dans les salles permanentes.
L’évocation de temple de Min et Isis attire l’attention sur le culte de Min, l’un des plus anciens dieux d’Égypte, dont l’iconographie est facilement identifiable : représenté dans une gaine momiforme, un fléau sur son bras levé et deux hautes plumes sur la tête, il est par ailleurs doté d’un phallus en érection. Si aucun rituel à caractère sexuel ne lui est associé, “l’autorité de Min sur le processus de reproduction des êtres vivants lui confère la qualité de dieu agraire”, souligne dans le catalogue Marc Gabolde. La régénération est au cœur du rituel des fêtes décadaires mis en évidence par Claude Trauneker dans les années quatre-vingts : tous les dix jours – théoriquement du moins – une procession menait la statue de Min vers la nécropole où se trouvait la tombe mythique divine, au-delà de la grande enceinte (temenos) ; la statue redonnait alors vie à son père, à la fois Osiris et Min lui-même, et ainsi à tous les défunts de la nécropole. Une stèle de la XVIIIe dynastie (Nouvel Empire), représentant Isis donnant la vie à Min-Amon-Rê-Kamoutef, témoigne des multiples syncrétismes dont le grand dieu de Coptos a été l’objet.
Les faux Palmyréniens
À côté des reliefs et des statuettes mis au jour dans l’enceinte sacrée, d’énigmatiques stèles, figurant de jeunes hommes en buste et par paires, avaient été découvertes en 1910-1911 dans une maison située sur le parvis. “À Coptos, il y avait une importante communauté de négociants de tout le bassin méditerranéen, et notamment des archers palmyréniens, rappelle Geneviève Galliano. Or les personnages sur les stèles ne tiennent pas des flèches mais des palmes, rendant l’identification avec les Palmyréniens erronée. On pense plutôt aujourd’hui à la chapelle funéraire d’une confrérie religieuse.” Au-delà de l’enceinte sacrée et de la nécropole, s’étendait la ville, centre de transit des minéraux exploités dans le désert Oriental, où se pressaient commerçants, voyageurs, artisans… Pour évoquer l’intensive production céramique à l’époque romaine, petits vases à la destination indéterminée, lampes à huile et figurines (têtes de divinités, animaux…) emplissent quelque vitrines en une véritable accumulation. Coptos comptait aussi plusieurs ateliers de sculpteurs, dont outils et œuvres ébauchées illustrent le travail.
À l’époque chrétienne, la ville continue d’occuper une place de premier plan dans le domaine commercial, mais son rayonnement religieux s’accroît grâce à la personnalité de Pisenthios (598-632), évêque de Coptos au VIIe siècle et pionnier du monachisme. Les fragments de sa correspondance sur papyrus ou sur ostraca présentés ici donnent un singulier aperçu des préoccupations quotidiennes soumises à la sagesse de Pisenthios. La conquête arabe devait bientôt sonner le glas de Coptos : au XIIe siècle, le pouvoir administratif se déplace à Qûs, entraînant le déclin définitif de la cité millénaire.
- COPTOS, L’ÉGYPTE ANTIQUE AUX PORTES DU DÉSERT, jusqu’au 7 mai, Musée des beaux-arts de Lyon, place des Terreaux, 69003 Lyon, tél. 04 72 10 17 40, tlj sauf mardi 10h30-18h. Catalogue, RMN, 240 p., 245 F. ISBN 2-7118-3797-1.
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Le double visage de Coptos
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°99 du 18 février 2000, avec le titre suivant : Le double visage de Coptos