Le British Museum présente une rétrospective exceptionnelle consacrée à Utamaro, le maître japonais qui influença tant les avant-gardes européennes au milieu du siècle dernier.
LONDRES - Le grand public veut surtout retenir de Kitagawa Toyoaki, qui prit par la suite le nom d’Utamaro (1753-1806), ses estampes les plus suggestives de la beauté féminine en Extrême-Orient. Mais l’exposition présentée au British Museum, à Londres, sous le titre "L’art passionné d’Utamaro" permet de mieux connaître l’artiste, grâce aux récentes recherches effectuées au Japon et en Occident.
Il a fallu plusieurs années aux deux commissaires, Shugo Asano, du Musée de Chiba, et Tim Clark, du British Museum, pour choisir les 435 gravures, 17 peintures et 42 livres illustrés qui composent un panorama significatif de la production du peintre. L’exposition est attendue ultérieurement au Japon, pour l’inauguration du Musée de Chiba. Cette présentation fera date pour les admirateurs de l’École ukiyo-e, dont Utamaro est le représentant majeur.
L’exposition analyse l’évolution stylistique d’Utamaro depuis ses débuts. Les personnages des premières œuvres du peintre ont un caractère monumental, les corps sont pleins et massifs, tandis que les visages reflètent peu les états d’âme, en conformité avec la manière de l’éminent Kiyonaga (1752-1815). Puis, la formation du peintre s’enrichit au contact des artistes et des lettrés que lui fit rencontrer l’éditeur Tsutaya, en particulier Santo Kyoden et Ôta Nampo. La silhouette de ses personnages s’assouplit et leurs visages deviennent plus expressifs. Enfin, l’intensité psychologique atteint des sommets dans les séries comme celles des grandes courtisanes des Douze heures à Yoshiwara.
Le quartier des plaisirs
Après que les réformes de l’ère Kansei (1789-1801) eurent réprimé l’excès de luxe dans les gravures consacrées à Yoshiwara, le quartier "réservé", Tsutaya incita Utamaro à se consacrer à des portraits en buste, au lieu de peindre des figures en pied.
Cette contrainte l’incita à créer quelques-unes des xylographies les plus suggestives de l’École ukiyo-e, comme ces représentations de l’un de ses modèles préférés, Ohisa, ou encore L’Inconstante, dans la série des Dix études de physionomies féminines, qui représente une jeune femme vêtue d’une légère veste d’intérieur glissant négligemment de son épaule, et s’apprêtant à faire sa toilette après le bain.
Le fond rose exalte la couleur de sa peau et donne à l’observateur un sentiment de chaleur et de séduction, plus doux et plus serein encore que dans la série précédente. Utamaro parvient à rendre la jeune femme vêtue plus provocante que la jeune femme nue, même si la scène où figure cette dernière peut paraître intime et familière. C’est une leçon qu’exploreront les impressionnistes, les préraphaélites et les Nabis qui lui succéderont.
Pour établir le catalogue raisonné des gravures et des livres, Shugo Asano s’est fondé sur les Yoshiwara saine, les guides du quartier des plaisirs de Tokyo, publiés en 1773. La révision de la datation des gravures qu’il propose fait du catalogue de l’exposition un ouvrage de référence. Tim Clark s’est chargé du catalogue des peintures et des séries érotiques.
L’art passionné d’Utamaro, British Museum, Londres, jusqu’au 23 octobre, ouvert tlj de 10h à 17h. Catalogue, Shugo Asano et Tim Clark.
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Le divin japonais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : Le divin japonais