En 2009, Philippe Vandenberg se suicide. Il laisse un mot : « Mes enfants, je vous aime tellement.
Je n’en peux plus de la solitude. Pardonnez-moi. » Écorché vif, cet artiste belge né en 1952 à Gand laisse derrière lui une production de dessins et de peintures hantés par ses dilemmes existentiels, ses peurs, ses colères. Depuis 2005, il avait quitté Gand pour s’installer à Bruxelles, dans un atelier à Molenbeek. L’exposition que lui consacre Bozar présente les œuvres produites durant ses quatre dernières années dans ce quartier ghetto bruxellois et qui, pour une partie, n’ont jamais été montrées. En lettres capitales, sales, souvent colorées et dessinées avec rage sur des feuilles ou des morceaux de carton récupérés dont elles occupent tout l’espace, il écrit et réécrit plusieurs fois, comme on répéterait un mantra, des phrasses aussi terribles que « Kill all of them and we shall dance », « Each man kills the things he loves », « Un grand amour (ne) suffit (pas) ». Ces œuvres d’une très grande radicalité révèlent de tragiques dialogues intérieurs, tout en laissant place à un certain humour et à un regard politique sur le monde. Parfois, la représentation s’invite aussi. C’est ainsi que l’on découvre les feuilles issues de son carnet de notes qu’il qualifie de « mots mobiles » et qui sont comme autant de pulsations qui l’agitent et révèlent ses humeurs, inspirés par ses promenades dans l’espace public. « Il faut être vigilant », insiste celui qui se qualifie de « témoin à charge » plutôt que d’artiste. Dans une série glaçante, il fait ressurgir la figure d’Hitler comme pour essayer de nous mettre en garde contre la radicalisation politique et la pensée unique qui agitent notre monde. « Il ne faut pas fuir l’angoisse, il faut l’accepter, vivre avec, éventuellement marchander avec elle… », confie-t-il dans un émouvant documentaire où nous pouvons le voir dans son atelier.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Le cri de Philippe Vandenberg