Le Musée national des arts asiatiques-Guimet dévoile la richesse de ses collections de textiles, réunies grâce à la générosité de Krishna Riboud.
PARIS - En 2003, le Musée national des arts asiatiques-Guimet, à Paris, recevait en donation la collection inestimable de textiles rassemblés par Krishna Riboud. Disparue en 2000, la collectionneuse d’origine indienne devenue spécialiste a longtemps œuvré pour l’institution. À sa réouverture en janvier 2001, le musée avait inauguré une galerie Jean-et-Krishna-Riboud, où sont exposés en permanence un ensemble de textiles, objets d’art et bijoux anciens indiens. L’importance de cette donation a nécessité une véritable réflexion sur ses modalités de présentation au public. Conservateur responsable de la section « Textiles-collection Riboud » et chargé de cours en art et archéologie de l’Inde et des pays indianisés de l’Asie à l’École du Louvre, Vincent Lefèvre a souhaité éviter l’écueil de l’exposition-hommage, trop généraliste, en dévoilant les richesses de la collection au fil d’expositions thématiques. Présentation inaugurale, « Lumières de soie » revisite les soieries tissées d’or à travers les traditions et les goûts de plusieurs pays situés sur l’itinéraire de la Route de la soie.
Mélange habile de théâtralité et de pédagogie, la scénographie a dû composer avec les impératifs de conservation des textiles, parfois très fragiles. La pénombre ambiante donne à l’ensemble un air solennel et l’éclairage dirigé confère aux tissus des reflets mordorés. Par ailleurs, le conservateur n’a pas lésiné sur les panneaux explicatifs qui, s’ils risquent à la longue de paraître rébarbatifs, ont le mérite de renseigner de manière très claire et précise sur le contexte des pièces . Conçue pour les visiteurs assidus et les néophytes, une petite salle située en début de parcours relate en détail la récolte du fil de soie et les diverses techniques de tissage et teinture par le biais de gravures d’époque, de figurines et d’un film vidéo ; plusieurs tissus modernes sont même mis à disposition du public, afin d’observer à loisir trames et textures. Ainsi armé, chacun saura apprécier les variations entre les soieries tissées d’or de Chine, du Japon, d’Inde et d’Indonésie, de même que la différence marquée du style vestimentaire de ces cultures. L’art du tissage s’impose dans tous les costumes traditionnels, du théâtre No à la tenue de samouraï. De la même manière, les textiles rituels accompagnent la cérémonie du thé, habillent les moines japonais et offrent leurs couleurs aux bannières bouddhiques. Estampes, céramiques et objets utilitaires issus des collections permanentes du musée viennent illustrer ces us et coutumes, reprenant parfois les motifs représentés sur les tissus (fleurs, libellules…). Soudain, choken (variété de kimono japonais), jimbaori (gilet de samouraï) et payjama (pantalon indien) prennent vie. La complexité des dessins, la richesse des couleurs et la finesse du travail reflètent l’importance donnée à l’époque à cet artisanat. Aussi le parcours s’achève-t-il sur une série de photographies du XIXe siècle, immortalisant royautés, danseurs ou tisserands, et témoignant de hiérarchies où le statut social s’affiche aussi par le vêtement.
Trésors archéologiques
La collaboration entre le Musée Guimet et Krishna Riboud débute en 1962 à l’occasion d’une exposition organisée à la Galerie Bernheim et dédiée aux victimes des affrontements sino-indiens. Jeannine Auboyer, le conservateur du musée à l’époque, lui donne pour mission d’étudier la collection de textiles de l’institution. Dix-sept ans plus tard, devant la passion de la spécialiste pour l’examen technique et scientifique des tissus anciens, son époux Jean Riboud crée une fondation qui donnera naissance à l’Association pour l’étude et la documentation des textiles d’Asie (AEDTA). Krishna Riboud, devenue peu à peu une autorité mondiale sur le sujet, est régulièrement associée au Musée Guimet pour la préparation d’expositions et la publication d’ouvrages. Grâce à un travail acharné, la collection de l’AEDTA compte aujourd’hui près de 4 000 pièces – parmi lesquelles de véritables trésors archéologiques datés pour certains du VIIIe siècle – désormais placées sous la tutelle du Musée Guimet, conformément aux vœux de Krishna Riboud.
En charge d’une collection de textiles dont la richesse rivalise avec celle des grandes institutions internationales – Cleveland Museum of Art, Metropolitan Museum of Art de New York, Los Angeles County Museum of Art, Victoria & Albert Museum de Londres et National Gallery of Australia de Canberra –, Vincent Lefèvre ne cache pas son souhait de voir cette exposition voyager. Pour continuer à tisser sa toile.
Jusqu’au 7 février 2005, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6, place d’Iéna, 75116 Paris, tél. 01 56 52 53 00, www.museeguimet.fr, tlj sauf mardi 10h-17h45. Catalogue, éditions RMN, 208 p., 30 euros, ISBN 2-7118-4816-7
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Le cri de la soie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°203 du 19 novembre 2004, avec le titre suivant : Le cri de la soie